Dans le cadre de cette relation et quelle que soit la pratique, il existe de nombreux moyens d’entrer en hypnose qui conduisent à la transe hypnotique. L’observation et l’écoute construisent le cadre de cette « présence partagée » qui en est le socle.
Dans cette relation clinique, les suggestions et métaphores accompagnent le processus hypnotique. Les suggestions post-hypnotiques guident le patient dans sa réassociation. Ces grandes étapes du processus hypnotique sont largement décrites par de nombreux auteurs et font aussi l’objet de recherches cliniques et scientifiques avec l’aide des neurosciences.
Ici nous nous interrogerons sur les moyens d’accompagner le patient au-delà de la séance et de lui donner les moyens de poursuivre son travail de changement. Cette réflexion est nécessaire et même centrale pour chaque praticien quel que soit son mode d’exercice. C’est par exemple : dans le cadre d’une préparation à une intervention chirurgicale, un accompagnement d’un syndrome douloureux, d’une maladie chronique cancéreuse ou non ou dans des problématiques d’addictions, d’anxiétés ou de phobies.
La relation thérapeutique induite par la séance trouve souvent une traduction, une projection en dehors d’elle. Cette projection peut prendre des formes très variées. Pour certains ce sont des enregistrements sonores, pour d’autres des immersions virtuelles ou d’autres propositions qui prennent la forme d’exercices d’autohypnose plus ou moins standardisés. Chez certains patients cette démarche ne peut se faire. Pour ma part, après une longue démarche clinique, des échanges avec quelques collègues, je termine ma rencontre par la rédaction d’une « ordonnance ».
Avant de rentrer dans le détail de cette ordonnance ciblée, je souhaite aborder rapidement deux problématiques : la séance unique et le débriefing. Ces deux thèmes rejoignent notre réflexion sur la projection thérapeutique post-séance proprement dite. Au terme de cette présentation, nous développerons deux vignettes cliniques : deux ordonnances.
LA SÉANCE DOIT-ELLE ÊTRE UNIQUE ?
Au cours de la formation, dans les séances d’intervision et au contact de François Roustang et Jean-Marc Benhaiem, cette question est souvent posée. La réponse n’est pas univoque et reste un large sujet de discussion. Certes la séance est toujours unique dans sa relation thérapeutique, son contenu, sa perception, son déroulement et sa projection. Néanmoins, doit-elle être la seule séance dans le processus thérapeutique ? La réponse peut être simple dans le cadre d’un accompagnement pour une intervention au bloc opératoire, elle reste plus complexe dans les autres situations.
Quoi qu’il en soit, c’est toujours au patient dans la grande majorité des cas d’en prendre l’initiative. C’est à lui et à lui seul de prendre la décision d’une deuxième séance, de poursuivre son chemin thérapeutique dans le cadre d’un accompagnement clinique. Le praticien est là pour le laisser libre de décider et d’accepter le processus de changement qui s’enclenche. Cet espace de liberté ouvert doit être respecté. Il n’en demeure pas moins que si le processus de changement est enclenché pendant la séance, il se poursuit au-delà de celle-ci par un travail personnel du patient. Ce travail peut ou non suffire dans la conduite du changement et conduire alors à d’autres séances.
Quelle que soit l’évolution, c’est au patient d’en prendre la décision. Rien n’est imposé. Nous observons simplement, dans notre pratique quotidienne, que le travail personnel qui se poursuit au-delà de la séance peut prendre différentes formes et qu’il appartient entièrement au processus hypnotique.
LE DÉBRIEFING
Là encore se pose une nouvelle question : doit-on débriefer la séance ? La réponse n’est pas si simple et dépend de la relation thérapeutique qui s’est installée et du contexte dans lequel elle se déroule. A chaque praticien son attitude et sa réponse : faire ou ne pas faire. Pour certains praticiens, il n’y a pas de débriefing à faire. Ils laissent le processus hypnotique enclenché pendant la séance progresser et se projeter. Ils accompagnent le patient dans le processus sans recourir au débriefing. Pour ma part j’ai choisi le débriefing. Pour moi, il fait partie de la relation thérapeutique, il rentre dans le processus de réassociation et ouvre la porte à la rédaction de l’ordonnance. Il peut prendre des formes diverses en fonction du contexte. Je voudrais simplement souligner, et comme anecdote, que dans ma pratique en zone rurale, j’ai tendance à « étaler » le temps qui s’écoule entre la sortie de transe et la reprise par le patient de la conduite automobile. Le débriefing fait partie de ce temps de réassociation et aussi de partage.
L’ORDONNANCE
Elle s’intègre dans le débriefing. Elle est rédigée à la main sur papier libre et comporte trois volets. Elle s’appuie sur les éléments de notre rencontre (observation, écoute, présence), les suggestions et métaphores hypnotiques, et éventuellement sur certains éléments et remarques que le patient apporte après la phase de réassociation. Elle appartient au patient.
- Premier volet : mon mail et mon numéro de téléphone. Ils sont donnés en toute clarté et toute liberté. Au fil du temps je constate que très rarement les patients les utilisent, comme si le fait de les donner suffit à ne pas les utiliser : paradoxe.
- Deuxième volet : un livre, un disque, un tableau... Quelles que soient les circonstances de la rencontre, en période péri-opératoire ou dans des consultations plus formelles, je m’intéresse toujours aux « hobbies » du patient, à ses goûts de lecture, de musique ou à ses autres activités (cinéma, voyage, sport...). Ces éléments rentrent dans la perception élargie du patient et me permettent aussi d’évaluer le retentissement de la problématique posée. Il en va de même pour le sommeil, les activités physiques et la prise ou la perte de poids.
Enfin, je prends connaissance de l’entourage professionnel et sociologique du patient. Dans cette rencontre, ce tour d’horizon, si l’on peut dire comme cela, va permettre de répondre à cette question mille fois posée par François Roustang dans ses interventions et nos échanges : qui est cette personne ? Toutes ces connaissances sont reliées à la problématique, au contexte et bien évidemment à la séance. Cet ensemble conduit à prescrire au patient : soit un livre à lire, soit à écouter un disque, à regarder un tableau ou autres choses en fonction du contexte. Cette proposition ciblée ne vient pas par hasard, elle est l’un des éléments qui viendront lier, associer, relier le patient à la séance dans son travail de changement. Elle viendra comme un point d’appui thérapeutique dans son cheminement. Cette proposition de lien thérapeutique est pour moi l’un des éléments centraux de la pratique de l’autohypnose.
Elle est là comme un rappel, peut être comme un geste d’ancrage (lecture, musique…) qui relie le patient dans le processus et le travail de changement. Cet élément ouvre les perceptions créatives du patient à la manière d’Erickson qui proposait au patient d’aller au zoo, comme me l’évoquait un collègue. Cette offre lui appartient entièrement. A lui et à lui seul de l’utiliser et de la percevoir comme corps de stabilité et de présence dans sa propre démarche.
- Troisième volet : il reprend les mots utilisés pendant la séance proprement dite. Ces mots que nous formulons, proposons et suggérons dans notre relation thérapeutique. Ces mots qui sont aussi ceux du patient qui surgissent pendant l’entretien ou la séance dans notre posture de présence, d’écoute et d’observation. Ces mots qui accompagnent aussi les silences et les périodes d’attentes. Transcrits sur la feuille de papier, ils sont « là » et sont les points d’appui du travail d’autohypnose. Ils peuvent résonner, s’incorporer comme une musique, un chant dans les perceptions du patient.
VIGNETTES CLINIQUES
- Madame F. est une femme de 56 ans qui vient à la consultation pendant son traitement de cancer du sein. Elle est en chimiothérapie et aura des séances de radiothérapie. En dehors de cette pathologie elle n’a pas d’antécédent lourd...
Dans cette relation clinique, les suggestions et métaphores accompagnent le processus hypnotique. Les suggestions post-hypnotiques guident le patient dans sa réassociation. Ces grandes étapes du processus hypnotique sont largement décrites par de nombreux auteurs et font aussi l’objet de recherches cliniques et scientifiques avec l’aide des neurosciences.
Ici nous nous interrogerons sur les moyens d’accompagner le patient au-delà de la séance et de lui donner les moyens de poursuivre son travail de changement. Cette réflexion est nécessaire et même centrale pour chaque praticien quel que soit son mode d’exercice. C’est par exemple : dans le cadre d’une préparation à une intervention chirurgicale, un accompagnement d’un syndrome douloureux, d’une maladie chronique cancéreuse ou non ou dans des problématiques d’addictions, d’anxiétés ou de phobies.
La relation thérapeutique induite par la séance trouve souvent une traduction, une projection en dehors d’elle. Cette projection peut prendre des formes très variées. Pour certains ce sont des enregistrements sonores, pour d’autres des immersions virtuelles ou d’autres propositions qui prennent la forme d’exercices d’autohypnose plus ou moins standardisés. Chez certains patients cette démarche ne peut se faire. Pour ma part, après une longue démarche clinique, des échanges avec quelques collègues, je termine ma rencontre par la rédaction d’une « ordonnance ».
Avant de rentrer dans le détail de cette ordonnance ciblée, je souhaite aborder rapidement deux problématiques : la séance unique et le débriefing. Ces deux thèmes rejoignent notre réflexion sur la projection thérapeutique post-séance proprement dite. Au terme de cette présentation, nous développerons deux vignettes cliniques : deux ordonnances.
LA SÉANCE DOIT-ELLE ÊTRE UNIQUE ?
Au cours de la formation, dans les séances d’intervision et au contact de François Roustang et Jean-Marc Benhaiem, cette question est souvent posée. La réponse n’est pas univoque et reste un large sujet de discussion. Certes la séance est toujours unique dans sa relation thérapeutique, son contenu, sa perception, son déroulement et sa projection. Néanmoins, doit-elle être la seule séance dans le processus thérapeutique ? La réponse peut être simple dans le cadre d’un accompagnement pour une intervention au bloc opératoire, elle reste plus complexe dans les autres situations.
Quoi qu’il en soit, c’est toujours au patient dans la grande majorité des cas d’en prendre l’initiative. C’est à lui et à lui seul de prendre la décision d’une deuxième séance, de poursuivre son chemin thérapeutique dans le cadre d’un accompagnement clinique. Le praticien est là pour le laisser libre de décider et d’accepter le processus de changement qui s’enclenche. Cet espace de liberté ouvert doit être respecté. Il n’en demeure pas moins que si le processus de changement est enclenché pendant la séance, il se poursuit au-delà de celle-ci par un travail personnel du patient. Ce travail peut ou non suffire dans la conduite du changement et conduire alors à d’autres séances.
Quelle que soit l’évolution, c’est au patient d’en prendre la décision. Rien n’est imposé. Nous observons simplement, dans notre pratique quotidienne, que le travail personnel qui se poursuit au-delà de la séance peut prendre différentes formes et qu’il appartient entièrement au processus hypnotique.
LE DÉBRIEFING
Là encore se pose une nouvelle question : doit-on débriefer la séance ? La réponse n’est pas si simple et dépend de la relation thérapeutique qui s’est installée et du contexte dans lequel elle se déroule. A chaque praticien son attitude et sa réponse : faire ou ne pas faire. Pour certains praticiens, il n’y a pas de débriefing à faire. Ils laissent le processus hypnotique enclenché pendant la séance progresser et se projeter. Ils accompagnent le patient dans le processus sans recourir au débriefing. Pour ma part j’ai choisi le débriefing. Pour moi, il fait partie de la relation thérapeutique, il rentre dans le processus de réassociation et ouvre la porte à la rédaction de l’ordonnance. Il peut prendre des formes diverses en fonction du contexte. Je voudrais simplement souligner, et comme anecdote, que dans ma pratique en zone rurale, j’ai tendance à « étaler » le temps qui s’écoule entre la sortie de transe et la reprise par le patient de la conduite automobile. Le débriefing fait partie de ce temps de réassociation et aussi de partage.
L’ORDONNANCE
Elle s’intègre dans le débriefing. Elle est rédigée à la main sur papier libre et comporte trois volets. Elle s’appuie sur les éléments de notre rencontre (observation, écoute, présence), les suggestions et métaphores hypnotiques, et éventuellement sur certains éléments et remarques que le patient apporte après la phase de réassociation. Elle appartient au patient.
- Premier volet : mon mail et mon numéro de téléphone. Ils sont donnés en toute clarté et toute liberté. Au fil du temps je constate que très rarement les patients les utilisent, comme si le fait de les donner suffit à ne pas les utiliser : paradoxe.
- Deuxième volet : un livre, un disque, un tableau... Quelles que soient les circonstances de la rencontre, en période péri-opératoire ou dans des consultations plus formelles, je m’intéresse toujours aux « hobbies » du patient, à ses goûts de lecture, de musique ou à ses autres activités (cinéma, voyage, sport...). Ces éléments rentrent dans la perception élargie du patient et me permettent aussi d’évaluer le retentissement de la problématique posée. Il en va de même pour le sommeil, les activités physiques et la prise ou la perte de poids.
Enfin, je prends connaissance de l’entourage professionnel et sociologique du patient. Dans cette rencontre, ce tour d’horizon, si l’on peut dire comme cela, va permettre de répondre à cette question mille fois posée par François Roustang dans ses interventions et nos échanges : qui est cette personne ? Toutes ces connaissances sont reliées à la problématique, au contexte et bien évidemment à la séance. Cet ensemble conduit à prescrire au patient : soit un livre à lire, soit à écouter un disque, à regarder un tableau ou autres choses en fonction du contexte. Cette proposition ciblée ne vient pas par hasard, elle est l’un des éléments qui viendront lier, associer, relier le patient à la séance dans son travail de changement. Elle viendra comme un point d’appui thérapeutique dans son cheminement. Cette proposition de lien thérapeutique est pour moi l’un des éléments centraux de la pratique de l’autohypnose.
Elle est là comme un rappel, peut être comme un geste d’ancrage (lecture, musique…) qui relie le patient dans le processus et le travail de changement. Cet élément ouvre les perceptions créatives du patient à la manière d’Erickson qui proposait au patient d’aller au zoo, comme me l’évoquait un collègue. Cette offre lui appartient entièrement. A lui et à lui seul de l’utiliser et de la percevoir comme corps de stabilité et de présence dans sa propre démarche.
- Troisième volet : il reprend les mots utilisés pendant la séance proprement dite. Ces mots que nous formulons, proposons et suggérons dans notre relation thérapeutique. Ces mots qui sont aussi ceux du patient qui surgissent pendant l’entretien ou la séance dans notre posture de présence, d’écoute et d’observation. Ces mots qui accompagnent aussi les silences et les périodes d’attentes. Transcrits sur la feuille de papier, ils sont « là » et sont les points d’appui du travail d’autohypnose. Ils peuvent résonner, s’incorporer comme une musique, un chant dans les perceptions du patient.
VIGNETTES CLINIQUES
- Madame F. est une femme de 56 ans qui vient à la consultation pendant son traitement de cancer du sein. Elle est en chimiothérapie et aura des séances de radiothérapie. En dehors de cette pathologie elle n’a pas d’antécédent lourd...
Version Podcast
L'Ordonnance du Dr Marc GALY par Laurent GROSS.mp3 (14.64 Mo)
Dr Marc GALY Ancien interne des Hôpitaux. Consultation d’Hypnose médicale à l’Hôpital Saint-Louis Lariboisière, Paris. DU Hypnose médicale Pitié Salpêtrière. Auteur du livre Etre là, ouvrage collectif sur la notion de présence, aux éditions Flammarion/Versilio.
Liste de ouvrages et écrits du Dr Galy
Liste de ouvrages et écrits du Dr Galy
Commandez ce numéro 56 de la Revue Hypnose et Thérapies Brèves.
Lorsque la Version papier de ce numéro sera épuisée, la version PDF sera fournie à la place
- Èditorial : «La simplicité est la sophistication suprême»
- Ressources et compétences. B. DUBOS
- Pratiques narratives et hypnose B. DAMERON
- L’inattendu, force de changement S. LE PELLETIER-BEAUFOND
ESPACE : DOULEUR DOUCEUR
- Éditorial. H. BENSOUSSAN
- Les suggestions post-hypnotiques M. GALY
- Thérapies systémiques brèves et addictions. O. COTTENCIN
DOSSIER: HYPNOSE et MEDITATION
- Mindfulness ou pleine conscience. O. DE PALÉZIEUX
- Hypnose et méditation O. DE PALÉZIEUX
- DU de Mindfulness - Jean Sixou O. DE PALÉZIEUX
- Burn-out et méditation. M. COLOMBEL
- Dialogue socratique... O. DE PALÉZIEUX
- « Je collapse… » S. COLOMBO, MUHUC
- La présence au corps, encore A. CHABOCHE
- La hutte à sudation. N. D’INCA
- Les Grands Entretiens: Eric Bonvin. G. FITOUSSI
- Livres en Bouche S. COHEN, C. GUILLOUX
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- Èditorial : «La simplicité est la sophistication suprême»
- Ressources et compétences. B. DUBOS
- Pratiques narratives et hypnose B. DAMERON
- L’inattendu, force de changement S. LE PELLETIER-BEAUFOND
ESPACE : DOULEUR DOUCEUR
- Éditorial. H. BENSOUSSAN
- Les suggestions post-hypnotiques M. GALY
- Thérapies systémiques brèves et addictions. O. COTTENCIN
DOSSIER: HYPNOSE et MEDITATION
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- Hypnose et méditation O. DE PALÉZIEUX
- DU de Mindfulness - Jean Sixou O. DE PALÉZIEUX
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- Dialogue socratique... O. DE PALÉZIEUX
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- La présence au corps, encore A. CHABOCHE
- La hutte à sudation. N. D’INCA
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