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Il était une voie / voix. Revue Hypnose et Thérapies Brèves 72.


Le pourquoi du comment ! Par Blandine ROSSI-BOUCHET.
C’est en sa qualité d’hypnophoniste que l’auteure recueille la parole de femmes aux parcours de vies tortueuses. Confidences de vive-voix, à mi-voix, à voix basse. Des voix cassées, blessées, étouffées, éraillées, étranglées... voix éteintes aussi. Toutes ces blessures psychologiques qui déteignent sur la voix et dont il faut soigner les maux.


« Il était une fois, il y a bien longtemps, quand les cochons parlaient en vers et quand les poules avaient des dents, une très belle princesse aux cheveux d’ébène, au teint d’albâtre et aux yeux bleu azur. Son sourire était le plus éblouissant et sa voix la plus envoûtante de tout son royaume.

Pour ses vingt ans, la Princesse rêvait de devenir mannequin et de rencontrer le Prince Charmant sur son cheval blanc avec qui elle se marierait et aurait beaucoup d’enfants.

Pour ses trente ans, la Princesse devint la reine des podiums et autres défilés, la muse de créateurs célèbres et la déesse des nuits de la capitale de son royaume...

Pour ses quarante ans, elle enchaîna les amants, ne voyant toujours pas venir le moindre cheval blanc, vivant seule dans son palais d’argent et rêvant qu’un nouveau jour se lève... Son voeu fut enfin exaucé pour ses cinquante ans, sous les traits d’un prince trop jeune et trop charmant pour la Princesse remplie d’espoir qui, hélas, crut en cette dernière chance. Ils vécurent heureux dans son palais d’argent jusqu’au jour où la Sorcière AVC lança un puissant sortilège sur la Princesse, soudainement transformée en une pauvre Poupée de cire brisée et à moitié paralysée, aux cheveux grisonnants, au teint blafard et au sourire tordu. Par amour pour elle, le Prince conduisit promptement sa Poupée de cire à l’abri des regards peu amènes et des critiques mondaines dans un manoir de la forêt des Pins enchanteurs. Ils y vécurent cachés jusqu’à ce que la Poupée de cire perde le son, assurément victime de la terrifiante Aphonie, maléfique cousine de la Sorcière AVC...

« La Princesse, brisée par cette coupure de son, trouva la force d’aller pleurer son malheur auprès du Grand Magicien de la Forêt enchantée ; Merlin, dont les sortilèges étaient impuissants à délivrer la Princesse désenchantée de ce sort maléfique, lui recommanda de se rendre chez la Fée des Mots. La Princesse désespérée, emplie d’un espoir nouveau, se rendit ainsi semaine après semaine chez la Fée des Mots. Celle-ci déploya de nombreuses baguettes, usa de toutes les incantations ensorcelées et autres formules magiques ancestrales. En vain... la Poupée de cire restait tristement sans le son. En dernier ressort, la Fée des Mots alla quérir Morgane, la Puissante Ensorceleuse. Elle seule était capable de lever le sortilège maléfique, par le pouvoir psychanalytique de sa baguette taillée en bois freudien. Quelques mois plus tard, la Princesse revint chez la Fée des Mots pour lui conter la fin de l’histoire. Alors que Morgane recherchait toujours les ingrédients rares pour concocter la potion magique de délivrance vocale, la voix de la Princesse revint comme par magie en un jour sombre. Son cri fut si puissant qu’il s’entendit dans tout le royaume. Morgane, alertée, vola immédiatement à son secours. Elle arriva juste à temps pour empêcher le Prince plus si charmant, mais devenu très violent, d’étrangler sa Poupée de cire princière, lui qui l’avait, durant toutes ces années, maltraitée et trompée avec la jeune et jolie mais désargentée Cendrillon... tout en profitant très largement du palais d’argent et surtout de tout l’argent de l’infortunée Princesse. »

Ce conte pas du tout féerique est hélas inspiré d’une histoire vraie. Vingt-cinq ans de pratique clinique m’ont amenée à en entendre de nombreuses autres, en version originale ou sous-titrée, tandis que les formules orthophoniques orthodoxes étaient impuissantes à aider toutes ces voix qui me contaient leurs tristes sorts. Le monde est hélas plein de ces princesses mais surtout de ces pseudo-princes, chevaliers, laquais ou valets qui ne sont pas plus sages... et qui parfois se transforment non pas comme le Prince Charmant en inoffensive grenouille, mais en bourreau, boxeur, harceleur ou encore manipulateur, simplement par la puissance de leur propre pouvoir de malfaisance. « Résultat de l’alchimie entre le corps et la pensée, la voix est le reflet de la personnalité et de la vérité de chacun. Elle reflète nos états d’âme, les cicatrices de notre existence » (1).

Si la voix est en réalité bien plus qu’un banal instrument à vent et à cordes qui prend corps dans une caisse de résonance, mon rôle en tant qu’orthophoniste-luthier ne peut et ne doit pas se contenter d’intervenir sur cet instrument-voix désaccordé uniquement pour le réparer et le remettre, comme il se doit, dans le droit chemin...

La voix s’incarne littéralement dans notre corps, en tant qu’« instrument corporel qui fonctionne par un geste » (2) ; « tout le corps parle » (3). L’ensemble du corps permet en effet de dire, la voix est produite par un corps en mouvement ; elle est elle-même un mouvement, qui permet non seulement de dire, mais de se dire. Il est aisé de comprendre que la peur de se révéler, de se dévoiler ou d’exprimer ses émotions peut entraîner une restriction du mouvement et une limitation concomitante de la phonation. Et, si l’on considère que mouvement et vie sont intimement liés, alors il est possible d’envisager cette restriction comme un blocage du libre flux vital. C’est ainsi que j’accompagne sur le chemin de la liberté retrouvée de vraies princesses, emprisonnées dès leur naissance dans des corps de faux princes charmants, tout au long de la transe-formation d’une chenille poilue en un papillon majestueux, jusqu’à la naissance tant attendue de la voix délicate assortie à la robe de bal et aux pantoufles de vair...

Toutes ces voix cassées, brisées, spasmées, parfois muettes, faussées ou contrariées, ont toutes pour point commun de présenter des manifestations somatiques de blessures psychologiques. Et à propos de voix, celles de trois patientes résonnent singulièrement dans ma mémoire, comme une drôle de petite musique, porte-paroles des dysphonies dysfonctionnelles, ces pathologies dissonantes de la triade corps-voix-émotions. Christiane, Soisik et Céline étaient chacune atteinte de « sclérose en place »* vocale devenue vitale. Ces trois voix ont été prises au piège des tensions psychiques qui créent des tensions musculaires et malmènent la voix (4).

Cet engrenage néfaste a conduit au malmenage de l’instrument, mais également à sa dissonance : ces altérations vocales ont empiété sur la vie sociale de ces femmes, perturbé l’image d’elles-mêmes au travers du regard des autres (5) (6).

C’est comme si, dénoncées par les modifications acoustiques et esthétiques de leur voix, elles avaient été condamnées d’avance par un jury populaire devant lequel elles devaient assurer leur défense par l’intermédiaire de leur avocat orthophonique.

CAS DE CHRISTIANE ET SOISIK : POING DANS LA GORGE ET GRIZZLY « ATOMISÉ »


Christiane, 68 ans, et Soisik, 37 ans, partagent la particularité d’une parole corporelle qui a émergé sous la forme d’un trouble vocal (dysphonie), comme l’empreinte d’une expérience qui n’a pas pu être intégrée à la vie psychique au moment où elle s’est produite. Une prédiction funeste de récidive cancéreuse formulée par la Pythie médicale a littéralement « étranglé » la gorge de la première, tandis que des sous-entendus douteux et blessants de collègues bien-pensants sont restés « en travers » de la gorge de la seconde. Le corps de Christiane, qui a dit sans être entendu et qui a entendu sans pouvoir rien dire, a parlé avec ce poing dans la gorge qui l’étouffait de plus en plus, au point de réduire sa voix au silence.

Une séance d’hypnose formelle, avec induction par la respiration puis installation dans sa « safe place » et suggestions post-hypnotiques amnésiantes spécifiques, a permis à cette patiente de retrouver voix au chapitre en oubliant l’effet nocebo des mots prononcés si maladroitement par des soignants. Le corps de Soisik a inconsciemment manifesté son mécontentement muet sous la forme de cette « voix-ourse » au timbre éraillé et sourd qui ne pouvait, lui, que se faire entendre. Un portrait chinois de sa dysphonie (un grizzly, une râpe à fromage, du vert « hideux », du froid, de la musique rap « la plus pénible »), associé à la technique éponyme dite « des mains de Rossi », a permis à Soisik de retrouver la clarté de sa voix tout en devenant sourde à celles, médisantes, de ses collègues. Guidée par la musique de ma propre voix, elle a con - sciencieusement râpé chacune des griffes et chaque oreille de ce grizzly posé dans la main, celle qui avait été choisie. Puis, avec une jubilation communicative, la patiente a « atomisé » (sic) ce qui restait du grizzly ; intérieurement d’abord, avec de la musique rap diffusée directement dans les conduits auditifs (les pavillons ayant été râpés...), puis extérieurement par un vent glacial venu du tréfonds de son imagination, qu’elle a soufflé à s’en époumoner sur cette main, envoyant hors de vue et hors d’atteinte les particules invisibles du grizzly joyeusement vaincu.


CAS DE CÉLINE : L’HYPNOSE POUR OUVRIR LES « ÉCLUSES VOCALES »


La véritable énigme réside finalement dans l’expérience hypnotique avec Céline, jeune femme active de 39 ans, souffrant d’une pathologie tout aussi énigmatique : un syndrome d’adduction paradoxale des cordes vocales**. La patiente s’est très peu livrée, en restant scrupuleusement dans le cadre de ce qu’elle avait décidé de me dire, et surtout de me taire. Pour autant, et malgré ses résistances pré et post-hypnotiques, Céline est bel et bien entrée….



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Blandine ROSSI-BOUCHET

Orthophoniste, auteure de l’ouvrage « La douleur en pratique orthophonique », enseignante au CFUO (Centre de formation universitaire en orthophonie) de Bordeaux ainsi qu’au DIU Hypnose de Bordeaux où elle a été formée. Elle est responsable Formation et Ethique de l’association Hypnose33 Ecole bordelaise ericksonienne, et animera une master class lors du 13e Forum de la CFHTB qui aura lieu du 15 au 18 mai 2024 à Bordeaux.

Auteure de Syndromes d’Ehlers-Danlos: errance du douloureux chronique
et de HypnoPhonie® De l'orthophonie saupoudrée d'hypnose. Revue Hypnose et Thérapies Brèves n°66

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Laurent GROSS
- Hypnothérapeute à Paris 11. - Formateur en EMDR - IMO et Hypnose. - Dirige le CHTIP Collège... En savoir plus sur cet auteur



Rédigé le 13/09/2024 à 00:02 | Lu 96 fois modifié le 15/09/2024



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