Hypnose Paris: Laurent Gross, et des hypnothérapeutes, répondent à vos questions sur l'hypnose ericksonienne, l'EMDR, la formation. Avis de thérapeutes










Hypnose et Thérapies Brèves n°28: Edito du Dr Thierry SERVILLAT


ÉT(H)IQUETTES ?


« HYPNOSE & Thérapies brèves » présente ses meilleurs vœux de bonne année à ses lecteurs.
Evidemment, me direz-vous. A la revue, vous êtes polis !

Bon, d’accord, si vous le prenez comme ça, je vous propose une petite réflexion. HYPNOSE : que représente pour nous ce mot ? Une pratique que nous affectionnons et que nous trouvons utile ? Certainement ! Un simple mot auquel il convient de ne pas accorder (trop) de révérence impressionnée ? Sûrement !
Un mot qui nous relie, un « acteur réseau » (Au sens de celui proposé par le sociologue Bruno Latour) ? Bien volontiers !

Une simple étiquette pour nommer nos pratiques que nous voulons sincèrement créatives ? Pas si sûr !
Et que dire des nouveaux termes qui fleurissent depuis 30 ans (et même un peu plus) pour désigner ces fameuses « thérapies brèves » dont la multiplicité peut à la fois nous stimuler et aussi nous décourager (nous ne pourrons jamais les apprendre toutes !) ?

« Je viens vous voir parce que vous pratiquez l’hypnose ». « Ah oui, cela m’arrive, mais pas toujours, pas seulement », ai-je l’habitude de répondre, soucieux de garder le plus possible ma liberté d’intervention, la marge de manœuvre chère au regretté Richard Fisch (Membre éminent de l’école de Palo Alto, qui nous a quittés l’an dernier).

Peur d’être étiqueté aussi ? Peut-être, même si la couverture de ce numéro peut montrer ce qu’il est possible de faire avec ces petits morceaux de papier plus ou moins colorés qui ornent nos fruits, parfois nos légumes, ainsi que bien sûr une foultitude d’objets généralement à vendre.

Lors du dernier congrès mondial à Brême, nos collègues chinois ont fait part de leur connaissance ancestrale de l’hypnose qu’ils appellent wu. Est-il possible que nous adoptions ce terme en Occident ? Peu probable, vu l’attachement que nous avons aux mots que nous utilisons, même si nous avons l’habitude de convenir que celui d’ « hypnose » est discutable ! A moins qu’un nouveau terme émerge pour nous relier encore davantage planétairement. Nous quitterions alors Hypnos, la déesse du sommeil, pour un terme qui évoquerait plus l’éveil ?
Pourquoi est-il aussi difficile de nommer notre pratique d’une manière qui nous paraisse satisfaisante ? Peut-être parce qu’elle échappe toujours – au moins partiellement – à la conceptualisation.
Et dans 100 ans, ou même 50, quels termes resteront en usage, parmi la myriade d’appellations qui peuplent maintenant les sites des thérapeutes qui pratiquent ces « nouvelles thérapies », dont beaucoup sont utiles (les pratiques – peut- être pas les appellations) ?

« HYPNOSE & Thérapies brèves » lancera-t-elle un concours pour choisir un nouveau terme lors du prochain congrès de Paris dans un peu plus de deux ans ? L’idée serait amusante si elle était éthique. On peut douter qu’une telle tombola serait sérieuse. Tombola. Ce mot, d’origine napolitaine, qui veut dire « culbuter, dégringoler », ce qui peut nous faire penser à d’autres choses qu’à une pratique thérapeutique dont nous souhaitons faire reconnaître le sérieux. Notre époque apprécie les jeux, mais quand même !

La glace napolitaine, composée de couches de divers parfums et pouvant être agrémentée de fruits confits divers, et qui est servie en tranches, pourrait pourtant constituer une jolie métaphore des différentes démarches qui constituent les pratique thérapeutiques actuelles, et illustrer aussi la créativité indispensable pour en faire des approches efficaces.

Mais que les lendemains de fêtes ne nous égarent pas. Nous travaillons la souffrance. Et si nous jouons, notre jeu est sérieux. Nos étiquettes doivent donc être éthiques, sans diminutif en (ette).

Thérapies stratégiques, narratives, états du moi, hypnose bien sûr : la diversité des approches abordées dans ce numéro est souhaitée par les lecteurs. Bientôt un an après notre Hors-Série sur Milton Erickson, nous sommes dans l’âge post-éricksonien. Une époque qui connait autant de brouillages que d’ouvertures créatives. Un siècle qui, plus de 30 ans après la mort de Bateson, se sent concerné encore et toujours davantage par l’écologie.
Et nous nous posons plus que jamais la question : qu’est-il utile de savoir, d’enseigner aux étudiants praticiens, de dire aux patients ? Avec l’impression de pouvoir construire des réalités multiples, d’avoir des choix de plus en plus illimités dans nos façons de penser, si ce n’est de vivre.

Comment étiqueter éthiquement notre réel, notre monde, et nous-mêmes ? Peu importe pourrait-on être tenté de répondre. Si nous ne savions les effets potentiels de démarches qui ne peuvent, si nous sommes lucides, être anodines.

« Les grands hommes sont soucieux d’éthiques, les petits d’étiquette » écrivait l’auteur et homme de théâtre luxembourgeois Claude Frisoni.
L’étiquette. Notre Louis XIV, dit « le Grand » (oui, c’est lui en couverture !) l’appréciait. Synonyme de bienséance.
Les vœux d’ « HYPNOSE & Thérapies brèves » – c’est son nom pour l’instant ! – sont, au-delà de cette bienséance, bien sincères. Mais que 2013 ne voit pas trop valser nos ét(h)iquettes !

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“L’utilisation. Pour diluer les résistances“ Lilian Borges Zeig.

Principe essentiel dans l’approche éricksonienne, l’utilisation est présentée ici de façon approfondie, de nombreux exemples cliniques illustrant la richesse du concept et son importance pratique fondamentale.
Le Dr Milton H. Erickson a révolutionné la psychothérapie en y apportant de nombreuses innovations et une manière de la pratiquer différente de celle de son époque. Une de ses grandes contributions a été ce que nous appelons l’Utilisation. Celle-ci a été la facette centrale des interventions du Dr Erickson, et nous pouvons dire qu’elle faisait aussi partie de son style de vie. Il n’est pas possible de comprendre la psychothérapie éricksonienne sans comprendre cet important concept. L’Utilisation est la promptitude avec laquelle le thérapeute répond stratégiquement aux stimulations de l’environnement, du patient et de la situation thérapeutique afin d’arriver aux buts de la transe et de la thérapie. C’est une manière d’« explorer l’individualité du patient pour vérifier quels apprentissages, expériences et habiletés mentales sont disponibles pour combattre le problème et alors utiliser ses réponses personnelles internes uniques pour atteindre les objectifs thérapeutiques ». (Erickson & Rossi, 1979, p.1). C’est une manière de ne pas se laisser entraîner par la situation, mais au contraire de la prendre en main. « Le concept d’Utilisation implique que tous les aspects du client : son comportement, sa personnalité, ses relations et sa situation, sont potentiellement précieux et utiles pour rendre le patient capable d’acquérir des choix comportementaux plus gratifiants » (Erickson, 1980).

“Hypnothérapie et « états du moi ». Tous en scène“ Luise Reddeman, Allemagne

Très pratiquées en Allemagne, la thérapie des « états du moi » peut utilement être combinée avec l’hypnose, ce que nous montre Luise Redemann, auteure très connue dans ce pays.La psychothérapie est toujours associée au « drame de l’homme » - une expression de Fernando Pessoa - et nous prenons de plus en plus conscience que ce drame est entre autre l’expression de notre multiplicité intérieure, en particulier lorsqu’elle provient de traumatismes. La thérapie psychodynamique imaginative des traumas, (en allemand : Psychodynamisch Imaginative Trauma Therapie, PITT), a été développée en Allemagne à partir des années 1980 comme traitement intégratif des personnes souffrant de séquelles souvent graves de traumatismes de l’enfance. PITT est imprégnée par la psychanalyse, mais également inspirée de nombreuses orientations et écoles psychothérapeutiques, en particulier l’hypnothérapie. A mes yeux, il est important de découvrir le point commun entre les différentes écoles thérapeutiques, et je considère utile de connaître et de citer les différences, c’est-à-dire de disposer de théories consistantes. Les théories sont des concepts utiles pouvant faire l’objet d’un consensus et ne sont pas des vérités. Comme les êtres humains sont différents, ils auront des préférences pour différents concepts. Parfois on pourrait parler de différents auteurs développant des sujets différents, comme Fernando Pessoa avait en lui des écrivains différents qui pouvaient co-signer certains livres avec lui.

“Colères de l’enfant. Approche narrative“ Hélène Darrié Magnin, France

Les apports des thérapies narratives font actuellement débat. Etant nées du travail thérapeutique avec l’enfant, il était logique qu’un outil essentiel de cette approche, l’externalisation, soit présenté dans un tel cadre. Je vous propose de partager avec vous quelques expériences thérapeutiques sur le thème de l’externalisation. L’externalisation est une technique dont j’ai découvert le nom en faisant une formation sur les thérapies narratives. Je l’utilise chez l’enfant depuis de nombreuses années, mais j’ai appris il y a un an (au cours d’une formation d’hypnose et thérapies brèves) qu’elle était issue des thérapies narratives. Faire le lien entre ces deux éléments a modifié et complété ma perception de cette technique.

“Perte puis profit. Face au sentiment de diminution“ Doris Suchecki, Argentine

La vie peut être vue comme une perte continuelle, perte qui se fait sentir bien souvent par à-coups : survenue d’une maladie physique, décès d’un proche, séquelles d’un accident... Ce « coté pas sympathique de la vie » (Milton Erickson) peut pourtant constituer une opportunité pour découvrir des ressources.
INTRODUCTION La perte de certaines capacités dans le corps humain fonctionne comme une détonation de l’existence. Une maladie qui limite, un accident qui mutile, un désastre, un viol, sont des faits qui prennent tout leur sens dans la narration de celui qui les subit. Des questions surgissent : « Pourquoi moi ? » ; « Pourquoi maintenant ? » ; « Quelle sera la suite ? ». Ces questions réactualisent le sens de notre existence et l’incertitude à laquelle nous sommes confrontés. La douleur physique est un appel du corps, et la souffrance mentale est un cri de l’âme. Nous expérimentons une anxiété et une peur de la mort, un désordre, un rejet, une rage, une négation, une dépression, une humiliation, une mélancolie... et, finalement, une acceptation.Accepter sa propre douleur signifie avoir compris que le danger et le mal ne peuvent pas être évités. Avoir des difficultés est un élément structurel de la vie. Devant les difficultés, nous perdons momentanément nos cadres de références jusqu’à en créer de nouveaux. Si nous avons con- science de recevoir ce que la vie nous offre, nous découvrirons aussi que nous disposons de la liberté de choisir et de donner un nouveau sens à ce qui nous arrive. J’ai confiance en la capacité de l’homme pour vaincre l’adversité et réinventer une nouvelle manière de vivre dans ce monde. Le défi est comment l’organiser.

“ Un dialogue inhabituel. Cybernétique et émotions. Gregory Lambrette, Belgique

Une des avancées importantes de l’approche stratégique brève concerne la prise en compte du travail avec les émotions. Gregory Lambrette situe cette évolution dans une perspective historique, pour nous emmener loin des conceptions pionnières initiales, sans pour autant s’en couper.

« Il n’y a pas de résistance, il n’y a que du feed-back » Albert SCHEFLEN.
LIMINAIRESAu même titre que les comportements et les cognitions, les émotions sont l’un des composants essentiels de nos interactions. Principalement déclenchées par nos croyances et notre perception de la réalité, les émotions influent sur nos agissements (ou non-agissements) et déterminent (ou empêchent) pour beaucoup nos réactions. On peut feindre de les ignorer et tenter de feinter avec elles en privilégiant la seule raison. L’on peut également se focaliser exclusivement sur elles et en être aveuglé au point de ne plus voir d’autres paramètres tout aussi essentiels. Mais les négliger serait nier un déterminant fondamental de nos actions et la substance même de nos relations. C’est que si la vie n’est pas logique (au sens traditionnelle du terme s’entend) et la raison auto-suffisante, nous savons, à l’instar de Pascal, que le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point..


Hypnophilo : “Des logiques non ordinaires“ Thierry Servillat

La logique est une partie de la philosophie, nous l’oublions trop souvent. A ce sujet, un des livres les plus récents (2008) de Giorgio Nardone, dont les éditions Satas viennent de publier la traduction française1, traite du changement en référence aux logiques non ordinaires. Quelles sont ces logiques ? Elles sont bien éloignée de celles qu’affectionne – Wittgenstein excepté – notre philosophie occidentale dominée dans ce domaine par Platon, d’où son éloignement de la réalité que vivent nos patients. G. Nardone s’intéresse à ces logiques, fidèle à sa conviction que psychologie et psychothérapie sont « la nouvelle philosophie appliquée », au sens que cette expression avait au siècle dernier. L’être humain n’est pas rationnel. « Mû par ses émotions », il se comporte autrement que ce que lui dicte sa raison. L’auteur, qui place la notion d’illusion au centre de sa réflexion sur la dépression, propose un nouveau concept, l’auto-tromperie, qui consiste à croire que nous contrôlons la réalité grâce à notre pensée.

Quiproquo, malentendu et incommunicabilité : “C’est déjà ça !“ Stefano Colombo, dessin de Muhuc

- Ah ! Je vois dans vos yeux un regard plus brillant !
- C’est vrai ? Je n’ai bien dormi que cinq nuits cette semaine.
- C’est déjà ça !- Bien ! Je vois que les fringales c’est fini. Vous avez perdu du poids ! Combien ?
- Que deux kilos, et encore.
- C’est déjà ça !
- Comment avez-vous fait pour diminuer le nombre de vos cigarettes ?
- Docteur ! Croyez-vous encore au père Noël ou vous moquez-vous de moi ? Je ne suis passé que de trente à vingt-quatre cigarettes par jour.
- C’est déjà ça !

Recherche : “Le cerveau, préprogrammé pour l’hypnose ?“ Antoine Bioy

Ce dernier trimestre 2012, un article a défrayé la chronique scientifique, à partir des recherches menées dans le laboratoire du talentueux Spiegel, à Harvard (Hoeft et al., 2012). Les auteurs semblent en effet prouver que l’hypnotisabilité ne serait pas un trait de personnalité, mais serait le produit de connexions neuronales spécifiques. Pour ce faire, les auteurs s’intéressent aux différences entre 12 sujets faiblement hypnotisables et 12 sujets hautement hypnotisables (tous adultes), en partant à la recherche d’une signature neurologique qui les différencieraient. Ceci permettrait d’atteindre une vieille lune : construire des scripts cliniques adaptés aux profils psychologiques / cognitifs, et ici neurologiques, des patients. Sur un plan général, cette étude con- firme une nouvelle fois que l’état hypnotique n’est pas un “lâcher prise” comme cela est souvent dit, mais un modulateur des champs cognitifs et sensoriels. Roustang parlait d’un éveil paradoxal, les neurosciences continuent à lui donner raison. Et les auteurs de conclure que finalement l’hypnose peut être synthétisée comme une situation de “ conflict-free attention and intention ”.

Coïncidences : “Peinture : les 5 sens“ Sophie Cohen

Chers lecteurs hypnothérapeutes, est-ce utile de préciser pourquoi ce genre de tableaux - car il s’agit bien d’un genre, j’aurai l’occasion d’y revenir un peu plus loin - a retenu mon attention ? Ne sommes-nous pas tous en permanence à « jouer », diagnostiquer et travailler avec poésie, avec les cinq sens : les nôtres et ceux de nos patients ?
Joyce Mills nous recommande d’établir un diagnostic en étudiant la façon dont le patient s’exprime sur les cinq sens, de sorte d’examiner où sont les blocages. Ou, dit autrement, de repérer les sens sur lesquels le patient se trouve en auto- hypnose négative. L’intervention du thérapeute visant à restaurer une auto-hypnose positive sur les sens qui seraient affectés, à remettre de la vie, de la fluidité là où il y a blocage. Gaston Brosseau, lors de ses interventions, propose avec poésie et humour aux personnes qui viennent le consulter de « réinitialiser » leurs ressources sur les cinq sens de sorte d’être complètement présent, disponible à ce qui se passe ici et maintenant.

Congrès et conférences : “Le congrès ISH de Brême“ Elise Lelarge

Dans les coulisses de la fête d’octobre, à Brème, nous traversons la grande place pour rejoindre le Palais des Congrès entre les manèges qui se montent. Le lieu du congrès que nous allons découvrir progressivement pendant ces 5 jours de ren- contres internationales est particulière- ment convivial... Le premier matin, je découvre avec plaisir le travail de Stéphane Ottin Pecchio. Tout cela me donne bien envie de faire une séance... Pour voir... Il chante, joue du piano, touche des points d’acupuncture, accompagne dans une transe hypnotique, en forêt, une clairière, un message, spécialement pour vous... Ça raisonne, ça vibre, entre les notes de son piano, sa voix, le toucher et la transe... Qui a dit que les hommes ne sont pas multitâches ?

Humeur : “Le siècle de la synthèse“ Ephrem Ménager
Nous ne connaissons pas notre bonheur d’être initié à l’hypnose, la mère de toutes les psychothérapies. Nous ne pouvons que plaindre ceux qui, ne connaissant pas la chance d’avoir un outil thérapeutique athéorique aussi puissant, en sont encore à des batailles idéologiques de l’autre siècle. J’en donnerai trois exemples.
Il y a cette proposition de loi de pénaliser l’utilisation de la psychanalyse dans l’autisme. Or il me semble que s’il s’agît de dénoncer un défaut de soin adapté, ce n’est pas le pouvoir législatif mais le pouvoir judiciaire qui devrait trancher.
 


Laurence ADJADJ
Hypnothérapeute à Marseille et Présidente de l'Institut de Formation Hypnotim. Praticienne en EMDR... En savoir plus sur cet auteur



Rédigé le 04/08/2017 à 11:11 | Lu 444 fois modifié le 20/05/2020



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