Risques et dangers de l'hypnose


"L’hypnose est-elle dangereuse ?
Poser cette question est en soi, souligner ce que l’hypnose porte de négatif.
Poserait-on la question à un ophtalmologue ?"
D. Michaux


Si pour Pierre Janet, « le danger de l’hypnose, c’est qu’elle est sans danger », soulignant ainsi son apparente facilité d’apprentissage et son innocuité, il n’en reste pas moins que l’on peut en étudiant la littérature, retrouver un certain nombre d’effets indésirables, lors de son utilisation. La plupart des dangers sont cependant plus le fait de praticiens incompétents et insuffisamment formés, que de la technique elle-même, soulignant la nécessité évidente de la qualité de la formation non pas en hypnose en tant que telle, mais dans la connaissance et la compétence diagnostic des pathologies physiques ou mentales.


I - Définition des effets indésirables

MacHovec propose une définition des effets indésirables secondaires à l’hypnose selon les termes suivants : « Les complications de l’hypnose sont des pensées, sensations ou comportements inattendus ou non désirés, survenant pendant ou après l’hypnose et inconsistants avec les buts souhaités, interférant avec le processus hypnotique en perturbant le fonctionnement mental optimal. Il n’y a pas d’antécédent connu de symptômes physiques ou mentaux similaires.

Ils sont non thérapeutiques… ou anti-thérapeutiques (1) ».

II - Quels sont-ils ?

Les abréactions : Pleurs, tremblements, crises de panique.

Dans un recueil des données auprès de 828 psychiatres Averback(2) ont été relevés 210 effets indésirables chez 120 des médecins ayant répondu.
Levitt et Hershmann(3) ont obtenu 866 réponses sur 2 500 questionnaires adressés et ont rapporté 301 effets indésirables à la suite de l’intervention hypnotique : anxiété, panique, dépression (9,3 %) céphalées, nausées, vertiges, malaise (4,98 %), pleurs, hystérie (2,99 %) parmi les plus fréquents.
Mais cette étude présente de nombreux problèmes méthodologiques difficiles à interpréter.

En conclusion de la revue de la littérature il résulte que :

- Des effets adverses peuvent survenir lors de l’utilisation de l’hypnose. La plupart sont transitoires et sans grande conséquence, mais certains peuvent être plus sévères comme des décompensations psychotiques, des dépressions, des attaques de panique et des impulsions suicidaires.

- Il n’y a pas d’évidence que ces effets sont la conséquence de l’hypnose en tant que telle. De telles réactions peuvent survenir en raison de la vulnérabilité préexistante, de l’inexpérience du praticien à traiter des problèmes psychothérapeutiques, de l’utilisation de métaphores et de suggestions inappropriées, de l’incapacité à annuler des suggestions non thérapeutiques ou à réorienter pleinement le patient et à faire un débriefing adéquat.

- Ces réactions surviennent plus souvent dans certains contextes comme l’hypnose de spectacle, ou lorsque la formation et l’expérience du praticien sont insuffisantes, pour faire face à ces problématiques lorsqu’elles surviennent. Les praticiens utilisant l’hypnose sans formation psychologique et clinique, peuvent davantage avoir à faire à des abréactions ou à en être la cause. Ils ont moins la capacité d’y faire face et d’assurer le rétablissement du patient.

III - Les diagnostics erronés et les retards thérapeutiques

L’hypnose thérapeutique est, par définition, un outil de soins, de traitement. Mais elle ne peut pas tout guérir, tout traiter, sans discernement. De nombreuses pathologies somatiques peuvent avoir un retentissement et une expression psychique, et inversement.

Si l’hypnose peut être une thérapeutique adjuvante intéressante dans bien des circonstances, il serait naturellement dangereux d’espérer qu’elle ait une action curative sur toute pathologie somatique.

Aussi un diagnostic précis doit être établi par un praticien compétent avant d’envisager une prise en charge. « La tentation de faire de l’hypnose une panacée doit être tempérée par une minutieuse évaluation diagnostique et une réévaluation.

Olness et Libbey(4) rapportent que 20 % des jeunes adressés pour une hypnothérapie dans un service pédiatrique du comportement présentaient des étiologies organiques non diagnostiquées. »(5).

Un praticien ne sachant qu’utiliser l’outil hypnose sans connaissance clinique préalable, psychique ou somatique, ne sera pas en capacité de faire la distinction entre l’expression psychique d’une pathologie grave et un trouble pouvant être sensible à un abord hypnotique. Ainsi, une angoisse peut être le signe d’une embolie pulmonaire, d’un infarctus du myocarde et de bien d’autres troubles sévères.

Une dépression apparente peut en fait être l’expression d’une tumeur cérébrale, une dysthyroïdie, etc.
Il convient donc que le praticien qui va utiliser l’hypnose pour une indication précise soit à même d’avoir exploré toutes les étiologies possibles du trouble, ou à défaut qu’il ait vérifié auprès du médecin traitant du patient que la pathologie ait été explorée et diagnostiquée ou que l’origine psychosomatique ait été démontrée.

Ce praticien, médecin ou paramédical, pourra alors utiliser les techniques d’hypnose thérapeutique dans son domaine de compétence.
Bien entendu, l’hypnose peut être utilisée seule dans certaines indications, mais aussi en complément des traitements conventionnels allopathiques ou chimiothérapeutiques des troubles organiques ou psychologiques afin d’apporter une aide supplémentaire au patient.


IV - Les indications inadaptées

Classiquement la psychose, en particulier la schizophrénie non équilibrée, et les états paranoïaques sont des contre-indications à l’utilisation de l’hypnose, en particulier entre les mains de praticiens non avertis et non habitués à ces pathologies. Salem et Bonvin(6)

L’hypnose utilisant les capacités naturelles de dissociation de l’être humain pourrait aggraver un état psychotique.
Quant aux états paranoïaques, il va de soi que les personnes qui en souffrent pourront toujours, ne serait-ce que de par la réputation même de l’hypnose, s’imaginer avoir été manipulées, trompées ou abusées. Ces sujets ne sont pas en capacité de « faire confiance ». Or, la confiance dans son thérapeute est la base de l’alliance thérapeutique nécessaire au « lâcher prise » fondamental à l’état hypnotique.

Par ailleurs chaque thérapeute doit avoir conscience de ses propres limites et de son champ de compétences. Comme pour toutes techniques, thérapeutiques en particulier, on ne peut utiliser un outil que dans les limites de son métier, de ce que l’on sait déjà faire.

1 - MacHovec, in International Handbook of Clinical Hypnosis John Wiley&Sons LTD (p330) Edited by Burrows, Stanley, Bloom
1a William Kroger Clinical and Experimental Hypnosis 2nd Ed J.B. Lippincott Company
2 - Averback (1962) in International Handbook of Clinical Hypnosis John Wiley&Sons LTD (p330) Edited by G.D. Burrows, R.O.Stanley, P.B.Bloom
3 - Levitt et Hershmann (1962) in International Handbook of Clinical Hypnosis John Wiley& Sons LTD (p327) Edited by G.D. Burrows, R.O.Stanley, P.B.Bloom
4 - Olness et Libbey (1987) (p17) dans (L.Sugerman et W.C.Wester Hypnose thérapeutique avec les enfants et les adolescents) Ed Francaise SATAS ed 2018
5 - Lawrence Sugerman (p17) dans (L.Sugerman et W.C.Wester Hypnose thérapeutique avec les enfants et les adolescents) Ed Française SATAS ed 2018
6 - G. Salem, E. Bonvin, Soigner par l’hypnose 5° Ed (p 84-85) Elsevier-Masson



- Hypnothérapeute à Paris 11. - Formateur en EMDR - IMO et Hypnose. - Dirige le CHTIP Collège… En savoir plus sur cet auteur


Rédigé le 03/03/2020 à 22:40 | Lu 5245 fois modifié le 03/03/2020


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