La conspiration du silence: Tâches thérapeutiques


Par Guillaume DELANNOY, Vania TORRES-LACAZE et Annick TOUSSAINT
Revue Hypnose & Thérapies brèves n°50


A partir de maintenant, et jusqu’à notre prochaine rencontre, je vais vous demander de ne plus du tout parler de votre problème, et ce à qui que ce soit. Vous pouvez bien entendu continuer à parler de tout autre sujet, mais plus un mot à propos de ces difficultés récurrentes que vous rencontrez.

Car, contrairement à ce que nous dit le sens commun, à savoir que parler d’un problème est nécessairement chose utile, dans votre situation les choses fonctionnent exactement à l’inverse : plus vous parlez de votre problème et plus vous le rendez présent dans votre vie. A chaque fois que vous serez tenté d’en parler, rappelez- vous que c’est comme si vous alliez mettre de l’engrais sur une mauvaise herbe...

Dans notre culture occidentale, on considère généralement que le fait de parler des problèmes constitue la meilleure façon de les résoudre, ce sur quoi reposent d’ailleurs de nombreuses approches thérapeutiques, sortes de « cures par la parole ». Mais force est de constater que si la parole peut apaiser ou libérer dans certaines situations, il existe aussi de nombreux problèmes qui sont alimentés par le simple fait d’en parler. Les contextes dans lesquels le fait de parler du problème est susceptible de devenir une tentative de solution aggravante sont en réa- lité tellement nombreux que le recense- ment que nous vous proposons dans le cadre de cet article ne prétend nullement à l’exhaustivité.

QUAND PARLER, C’EST SE PLAINDRE...
Un jeune homme passe ses journées à se plaindre à sa mère, à son beau-père et à ses sœurs. Il est le dernier de la fratrie à ne pas avoir quitté le nid familial, il se sent laid et peu attirant, victime d’un père qui l’a abandonné dès son jeune âge, en décrochage scolaire depuis un an, il ne parvient pas à trouver une orientation pour ses études... Tous passent beaucoup de temps à l’écouter, à le rassurer, à lui dire qu’il a beaucoup de qualités. La maman lui dit qu’il est le plus beau de ses enfants, qu’il a un énorme potentiel, que les choses vont bien aller pour lui. Ce jeune homme, qui souffre beaucoup et qui passe des heures à s’épancher et à se plaindre, ne trouve finalement pas là un soulagement durable. Comme le souligne François Roustang, « je me plains pour laisser intact mon chagrin, pour n’avoir pas à y toucher, à l’aborder ou à l’affronter (...), plainte qui se campe sur des positions im- prenables. Plus rien ni personne ne saura me consoler (...), la plainte devient bien- tôt, parce qu’elle dure, une fixation répétitive qui alimente le chagrin au lieu de l’épuiser »1. En outre, la déprime devient alors souvent contagieuse, les proches se sentant cruellement impuissants à aider leur fils, leur frère, leur conjoint... En interdisant toute discussion « libre » autour du problème, nous avons permis à ce jeune homme et à sa famille de retrouver rapide- ment des relations beaucoup plus agréables. Qui plus est, ne perdant plus tout ce temps et toute cette énergie à se plaindre, il s’est doucement remis dans le cours de la vie, recommençant des sorties avec ses amis, reprenant ses études...

PARLER AUX MAUVAISES PERSONNES
Une équipe passe toutes les pauses café à dire tout le mal qu’ils pensent de leur patron, sans jamais oser aller lui parler directement... Il arrive ainsi souvent que la plainte soit partagée avec des personnes extérieures à la situation problématique,et qu’en parallèle la personne qui se plaint n’affronte pas le problème là où il pour- rait se résoudre. Dans ces situations, les personnes obtiennent certains bénéfices : le sentiment d’être compris ou d’avoir rai- son, une forme de cohésion face à un ennemi commun... mais en attendant, rien ne change... « Depuis tous ces mois où vous parlez entre vous quotidiennement des lacunes managériales de votre patron, est- ce que cela a fait évoluer la situation ? » Il suffit parfois qu’une personne de l’équipe change d’attitude et refuse de participer à ces discussions « stériles » pour que toute la dynamique relationnelle problématique évolue vers des modes de régulation plus directs et plus efficaces.

PARLER... MAIS NE RIEN FAIRE
Parfois la personne se plaint directement à celui ou à celle dont le comportement la gêne... mais continue à accepter, ou à tolérer, lesdits comportements. Face à un compagnon volage, une femme exprime régulièrement son insatisfaction : « Tu es vrai- ment un égoïste ! Si tu as une copine, tu me laisses de côté pendant des semaines, et dès que tu te retrouves seul, tu viens me chercher ! C’est inacceptable ! »... Mais elle continue à se jeter à son cou dès qu’il l’appelle... On invitera alors la personne à moins parler mais à agir de façon plus congruente, par exemple en se montrant moins disponible et moins empressée. On trouve des situations du même type lorsque des parents nous disent être très sévères avec leur enfant, mais qu’un examen plus précis du processus fait apparaître une grande dureté verbale (cris, insultes, menaces, chantage...) mais un grand laisser-faire dans les actes. A savoir que leur enfant, ou leur adolescent, ne vit pas véritablement de conséquences à ses agissements problématiques. Comme le dit le proverbe, « le chien aboie... et la caravane passe ». Un éducateur dans un foyer pour adolescents nous a raconté une délicieuse anecdote à ce sujet : après une heure passée avec un jeune, ses parents, l’éducateur référent, le pédopsychiatre et le directeur de l’institution à lui faire la morale, à le raisonner et à lui « remonter les bretelles », en sortant de la pièce le jeune chuchote à son éducateur:«374 fois».«374 fois quoi?»,de- mande l’éducateur intrigué... « J’ai battu des paupières 374 fois pendant cet entre- tien. » Dans des situations de ce type, on invitera les adultes à arrêter d’essayer de raisonner le jeune par des mots, mais de plutôt l’amener à vivre plus concrètement les conséquences de ses actes.


La conspiration du silence: Tâches thérapeutiques. Guillaume DELANNOY, Vania TORRES-LACAZE et Annick TOUSSAINT
A partir de maintenant, et jusqu’à notre prochaine rencontre, je vais vous demander de ne plus du tout parler de votre problème, et ce à qui que ce soit. Vous pouvez bien entendu continuer à parler de tout autre sujet, mais plus un mot à propos de ces difficultés récurrentes que vous rencontrez.

Conscience et guérison: le rôle du patient dans le processus de guérison. Dr Gérard VIGNERON
« Oui, vous aviez raison, c’est bien un lymphome. » Ces quelques mots prononcés par le chirurgien qui venait de recevoir les résultats de l’anatomo-pathologie des ganglions enlevés quelques jours auparavant, allaient provoquer en moi une espèce d’urgence à préciser le rôle et la place que doit prendre le patient dans le processus de guérison.

Note Cinquième selon François Roustang. Sylvie LE PELLETIER-BEAUFOND
Présentant un court texte lors d’une rencontre sur le thème de l’identité, François Roustang propose une réflexion sur ce qu’il titre « habitation ». Ce texte ne prétend pas aborder la question sou- levée ici d’un point de vue philosophique ou d’un point de vue social, il énonce une démarche thérapeutique en tout point originale.

Cardiopathies congénitales en service de réanimation. Karine CAMPISTRON
Nous travaillons dans le service de réanimation des cardiopathies congénitales de l’adulte et de l’enfant de l’hôpital Haut-Lévêque au CHU de Bordeaux. Dans ce service l’accompagnement des patients en réanimation est très complexe. Les patients, adultes comme enfants, y sont très techniqués (cathéters, drains, électrodes, sondes, canules...). 

La rééducation en éveil de coma: Intérêt de l'Hypnose. Marie-Pierre BERTINET et Céline DEFACHELLE
Et si l’hypnose était non seulement praticable, mais présentait un intérêt majeur chez un patient douloureux en état de coma vigile ? 
Devant l’absence d’évolution significative de Paul, une prise en charge à visée antalgique a été tentée pendant trois mois par un binôme hypnothérapeute-kinésithérapeute.

Hypnose en terrain humanitaire. Christine ALLARY
Au décours d’une mission de chirurgie maxillo-faciale, en situation anesthésique précaire avec l’association Les Enfants du Noma à Madagascar, l’idée s’est spontanément imposée à l’équipe d’anesthésie de mettre en place et bénéficier de l’outil hypnose au bloc opératoire. 

Médecin généraliste et Hypnose: Osez ! Dr Pierre Le Grand
Médecin généraliste, formé à l’hypnose médicale, je croise d’autres médecins qui ont cet outil dans leur sacoche. Certains s’en servent, d’autres moins. Ils invoquent alors tout un tas de raisons : pas le temps, pas de reconnaissance de l’acte, pas facile à concilier avec l’organisation du cabinet...

Au quotidien: La pratique de l'hypnose en médecine générale. Dr Salomon HAYOUN
Près de seize ans après ma formation à l’hypnose médicale auprès de Jean-Marc Benhaiem et de l’influence philosophique de François Roustang, il m’est agréable de m’interroger sur ma pratique de l’hypnose en médecine générale. Outre la transformation personnelle qu’il est classique d’exprimer comme tous ceux qui ont été initiés à l’hypnose, j’aborderai ici mes rapports aux patients, à la maladie et ma position en tant que soignant. 

Phénoménologie de la transe en médecine générale. Dr Daniel Quin
Médecin généraliste pratiquant l’hypnose depuis quinze ans, en cabinet libéral, cette activité spécifique représente à ce jour 80 % de mes consultations. Je suis confronté régulièrement à des demandes de sevrage tabagique, à des phobies de toutes sortes, des troubles anxieux, des insomnies, des pulsions alimentaires, des comportements addictifs (alcool, drogues, jeux), à de la préparation à des concours ou des épreuves sportives. 

Hypnose et médecine générale. Dr Gérard FITOUSSI
« La médecine générale est une médecine de l’individu dans son environnement naturel. L’objectif premier de la médecine est le soin du patient. Tout comme la médecine en général, la médecine générale est une discipline qui fait appel à des données biomédicales et techniques. Cependant ces seules données sont insuffisantes pour répondre à toutes les demandes de soins des patients.

« L’hypnose, on commence quand ? » Dr Stefano Colombo, Revue Hypnose et Thérapies brèves 50
Ce qui me gêne ? Je souffre de crises de panique, docteur. C’est horrible. Cela me prend d’un coup, quand je les attends le moins du monde. - Parce que vous les attendez ? - J’y suis tellement habitué que je sais d’avance qu’elles vont venir. - Vous êtes donc prévenu ! - Tout en ne sachant pas quand elles viennent. 

Interview du Dr Dominique Megglé par le Dr Gérard FITOUSSI
Votre parcours professionnel est impressionnant, pouvez-vous nous donner un aperçu ? Dominique Megglé : Servir ! Je me suis engagé dans l’armée pour servir la France. Pendant la Seconde Guerre mondiale, mon père, résistant, a été arrêté et torturé par les nazis, puis déporté à Buchenwald. Et comme je suis né au Maroc et que mon enfance en a été bercée, je voulais retrouver ma chère Afrique.

Hypnose et écriture: "146 boulevard Haussmann", l'ouvrage de Maurice Soustiel
Compte rendu par Sophie COHEN. Il est rare que je parle d’un récit et voici que cette rubrique fait exception pour l’excellent livre de Maurice Soustiel. Maurice Soustiel pratique l’hypnose dans sa consultation à l’hôpital. Il me dit sans l’hypnose, ce livre n’aurait jamais vu le jour parce que penser le passé jusqu’à l’écrire est extrêmement thérapeutique.

Notes de lecture par Christine GUILLOUX
La clé des cœurs : Contes et mystères en pays amoureux, Henri Gougaud
Dernière livraison de notre ami Henri Gougaud, le conteur par lequel l’on renaît sans cesse, par lequel on se nourrit comme on se sourit, par lequel l’on sait transformer les menaces en miracles.

Initiation à la thérapie brève orientée vers les solutions : En dix leçons 
Comptes rendus par Sophie COHEN
Un guide court et clair qui décrit les outils de thérapies brèves. En passant par la définition des objectifs et la question miracle, dix outils sont développés et ce en une centaine de pages. Avec cette synthèse, on ne peut plus dire que l’on n’a pas le temps de lire !


Hypnothérapeute à Marseille et Présidente de l'Institut de Formation Hypnotim. Praticienne en… En savoir plus sur cet auteur


Rédigé le 29/10/2018 à 12:48 | Lu 1525 fois modifié le 02/11/2018


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