Hypnose et Thérapies Brèves n°36 Edito du Dr Thierry SERVILLAT



JE SUIS…
11 janvier 2015. Devant mon écran, en entendant les sons de la télévision retransmettant la marche parisienne, j’essaie d’écrire un éditorial. La marche de Charlie continue. Loin et pas loin de Nantes où j’habite. Comment me projeter vers la période de parution de la revue, dans quatre semaines ? Je ne sais déjà pas comment va se finir la journée !

14 janvier. La journée s’est bien terminée. Et cet éditorial je dois l’écrire. Et rien ne me vient. Je suis… embêté. En plus, contrairement à ce que des proches m’ont conseillé, j’ai maintenu le projet de couverture prévu initialement avant les attentats. Cette échelle rouillée, mais pas trop, ce passage du gris au jaune – si on monte ; si on descend c’est l’inverse. Bon, c’est tout ce que je suis capable d’écrire ? Des évidences comme ça ? Eh bien bravo, bah oui !... Je suis… consterné !

En fait, consterné je le suis depuis plusieurs jours. Et tellement triste. C’est un peu normal de ne pas pouvoir écrire, non ? Des types assassinés pour leur liberté de ton, à moins d’un kilomètre de lieux où j’ai vécu dans mon enfance, ma jeunesse. A quelques centaines de mètres de là où vivent mes amis et collègues, Christine, Antoine, Laurent, Guillaume. Je suis ce quartier de Paris où un de mes fils a vécu. Je suis devenu aussi un peu journaliste, avec ces années maintenant passées à la tête de la revue « HYPNOSE & Thérapies brèves ». MERDE ! Ce sont des journalistes qui ont été tués ! Et dans leurs locaux, dans leur lieu sûr. Bon : des lieux sûrs, ils n’en avaient plus vraiment. Charb commençait à s’intéresser aux armes, c’est dire…

Je suis… Non, je ne suis pas Charb… Je suis qui ?

Je suis de tout coeur avec ces manifestants qui sont sur mon écran, qui ne marchent pas, attendant que les chefs d’Etats commencent à défiler. Je suis avec eux. Je suis eux. J’applaudis les morts. J’applaudis les gens courageux qui dénoncent l’hypocrisie. Qui prônent la liberté d’expression, et déjà celle de penser à sa façon. Ne laissez personne vous dire comment vous devez être en relation avec votre esprit inconscient, comment vous devez organiser la façon dont vous vivez et dont vous mourrez, disait Erickson l’agnostique qui, pour autant, encourageait ses enfants à visiter églises, mosquées, synagogues, lieux sacrés indiens et tout autre endroit susceptible d’élever spirituellement. Sans parler de sa prescription de gravir le Squaw Peak, montagne rebaptisée depuis pour éviter tout malentendu raciste possible.

Je suis… Et de plus en plus ! Ericksonien. C’est-à-dire pour que chacun fasse son chemin, son propre chemin de recherche de vérité et d’expériences plus ou moins réussies ou plus ou moins échouées. Son chemin d’humain, quoi. Pour que chacun de mes collègues ait le droit… de ne pas être éricksonien s’il ne veut pas l’être !
Je suis… ébahi en voyant et en apprenant que sous mes yeux il y a le plus grand cortège qu’il y ait probablement jamais eu dans mon pays. C’est vrai je suis… français. Qu’est-ce que c’est être français, je serais bien en peine de le dire. C’est juste un fait. Parce que je suis né en France ?

Pas si simple. Que j’ai de la tendresse pour Voltaire (malgré un certain nombre de faits de méchanceté dont il put aussi être l’auteur !) : on se rapproche. Que je considère la laïcité comme une valeur fondamentale ? Je le reconnais. Je suis ; en tout cas j’ai été… assez voltairien.

Pour son goût pour la justice. Et pour son esprit. Toujours les images de la manifestation, que je viens de revoir et qui demeurent, précises, présentes à ma conscience. Ces manifestants qui applaudissent, à juste titre, les forces de l’ordre. 4 millions de marcheurs et aucun dérapage ! Et ce jeune homme de 24 ans, organisateur (parmi d’autres) et fantastique stratège acceptant ou refusant telle ou telle demande de passer afin de protéger le calme du cortège ! Et un ami juif hésitant à aller défiler, lucide que dans toute cette foule il y a sûrement des gens au moins un peu hypocrites voire ambigus, qui y va et qui revient content d’y avoir été, d’en avoir été.

Je suis… psychiatre, c’est-à-dire médecin, donc soignant sans considération de religion, ni de race, ni de nationalité. Cette patiente, « musulmane laïque » comme elle dit, en insistant sur ces mots. « Je suis née en France, pour moi Cabu c’était Club Dorothée que je regardais quand j’étais petite », pleure-t-elle après m’avoir confié une humiliation qu’ellevenait de vivre dans une association culturelle où elle est bénévole, et après que je lui ai montré mon empathie pour ce qu’elle venait de vivre.

Alors oui, bien sûr que tout n’est pas totalement clair, univoque, mûri, pensé. Il n’empêche, ce soir et dans ce numéro 36 d’HYPNOSE & Thérapies brèves, c’est comme ça que j’ai envie de terminer et de signer mon éditorial :
JE SUIS CHARLIE.

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Sous l'outil, l'humain. Dr Irène Bouaziz

Se retenir ou pas. Prononcé dans une posture d’humilité, ce texte magistral d’Irène Bouaziz a illustré au mieux, lors du récent colloque de lancement de l’Institut Milton Erickson d’Ile de France, comment la maturation de l’hypnothérapie passe maintenant par une étape d’approfondissement éthique.
 

Implacables acouphènes : l'apport de l'Hypnose. Daniel Quin 
Plaintes croissantes en médecine générale, et en apparence bénignes, les acouphènes peuvent avoir des conséquences graves en terme de souffrance psychique. Daniel Quin nous expose sa manière de travailler dans ce domaine.De plus en plus de patients souffrant d’acouphènes se tournent vers les psychothérapeutes, et en particulier vers les praticiens de l’hypnose.
 

Souffrances hystériques : des solutions à foison. Dr Dominique Megglé
Psychiatre expérimenté et pionnier de l’hypnose française, Dominique Megglé se devait de s’intéresser aux patients qu’on appelait autrefois les «hystériques ». Et si ce mot pouvait avoir encore un sens utile, générateur de solutions thérapeutiques ?


Au service des entraîneurs. Pour guider et accompagner. Guy Missoum
De nombreux outils dérivés de l’hypnose existent pour aider les entraîneurs et les coachs sportifs. Fin connaisseur, Guy Missoum les présente d’une manière systématisée qui facilite leur mise en oeuvre. Milton Erickson se positionnait volontiers comme supporter de ses patients !
 

Détours de transe : l'apport d'Henri Wallon. Renato Saiu
Il n’est pas sûr qu’Erickson ait lu Henri Wallon, et encore moins qu’il ait entendu parler de la théorie du détour. C’est pour cela que la réflexion de jeunes auteurs comme Renato Saiu peut contribuer à enrichir aujourd’hui notre compréhension théorique des processus hypnotiques. L’utilisation de l’hypnose est ancienne. Pourtant sa définition reste floue.
 

Attentions à nos attentions. Dr Thierry Servillat

Yves Citton est professeur de littérature à l’Université de Grenoble. Son livre est pourtant transdisciplinaire, et porte sur un sujet qui nous intéresse tous : l’attention.
Nous n’avons pas toujours beaucoup appris lors de nos études sur un sujet pourtant capital. Ce n’est pas illogique car c’est surtout depuis une dizaine d’années que les connaissances à ce propos ont été abondamment renouvelées.
 
 
L’hypnose dans tous ses états. Antoine Bioy
Au chapitre de la validation des effets de l’hypnose, Tan et al. confirment chez des patients dorsalgiques l’intérêt de l’autohypnose (2 sessions d’apprentissage, un support audio d’entraînement chez soi). Ils dressent même une équivalence : 2 sessions d’autohypnose = 8 sessions d’hypnose. Les effets sont toujours présents à six mois. Attention cependant, en pratique clinique, que ce qui soit proposé au patient fasse l’objet d’une vraie réflexion sur les options thérapeutiques, car la clef de prises en soins restent évidemment dans cette adéquation.
 

Transes de soin à L'île de La Réunion. Jean-Claude Lavaud
A l’île de La Réunion, dans l’océan Indien, nous sommes culturellement ancrés par ce tissage structurel où la transe est un mode de communication thérapeutique. Dans la culture indo-tamoule réunionnaise certaines de ces transes sont ouvertement publiques, telle que La Marche Sur Le Feu, sacrifice de soi pour la guérison d’un autre. D’autres transes moins connues sont aussi singulièrement centrées sur la « guérison». Cet article constitue un tout petit aperçu de l’un de ses rites de soin.
 
 
Créer la bande-son de sa vie pour améliorer sa résilience. Dr Isabelle Stimec

Survivre à un traumatisme, de quelque nature qu’il soit, nécessite d’activer ses mécanismes de résilience interne. Parfois il n’est pas possible de dépasser ce traumatisme, soit par l’ampleur des dommages psychiques produits, soit par l’impossibilité d’activer ces mécanismes internes. Comment, en tant que thérapeute, pouvons-nous aider nos patients à réactiver leurs ressources et leur résilience interne ?
 
 
Humeur : Propos d’un Auvergnat. Régis Dumas

« Ce qui fait l’intérêt de l’Auvergne, c’est qu’elle est remplie d’Auvergnats », disait Alexandre Vialatte. « Auteur notoirement méconnu », comme il aimait à se qualifier. Cette Auvergne, un secret plutôt qu’une province, produit des fromages, des volcans et accessoirement des présidents de la République.» « La montagne nous donne des leçons de silence et l’horizon, au loin, des leçons d’éternité. » « L’immense espace dit la solennité, jamais l’emphase. »



- Hypnothérapeute à Paris 11. - Formateur en EMDR - IMO et Hypnose. - Dirige le CHTIP Collège… En savoir plus sur cet auteur


Rédigé le 02/08/2017 à 00:49 | Lu 904 fois modifié le 23/07/2018


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