Hypnose et Thérapies Brèves n°29: Edito du Dr Thierry SERVILLAT


AMUSANT N'EST-CE PAS ?


Une des attitudes fondamentales –peut-être la principale- qu’avait Milton Erickson envers la vie était d’essayer de s’amuser (to have some fun) 1. Y compris dans son travail.
Un thérapeute qui veut s’amuser ? Paradoxe, dirons-nous très vite ! Aider, soigner l’autre est théoriquement un métier… sérieux, ne pensez-vous pas 2 ?
Comment concevoir cela ? La thérapie aurait-elle à voir avec les Muses et la musique ? Oui sûrement, mais le mot « amuser » ne semble, contrairement aux apparences, avoir aucun rapport avec celles-ci.
Ne laissons pas trop cruellement attendre le lecteur, et assénons tout de suite la « vérité» étymologique : amuser vient de musum: le museau ! Quand nous restons le museau en l’air nous musons, nous regardons le ciel, les nuages qui passent ou les oiseaux. Quand nous promenons en perdant notre temps à regarder les vitrines, les passants (et/ou les passantes), nous musardons. Il en est de même quand nous flânons dans la campagne, allant au « pif » au grès des chemins. Au « groin » comme dirait Dominique Megglé3.
Erickson s’amusait dans la nature : les lacs, les rivières, les montagnes, les jardins botaniques. En tout cas quand sa santé lui permettait de s’y rendre. Et il s’amusait en musardant, en voyant une plante nouvelle, un arbre qui penche d’un côté différent des autres, un animal doté de propriétés spécifiques.
Il s’amusait aussi avec la nature humaine, en rencontrant les gens, ses patients bien sûr, mais aussi le quidamcroisé dans sa vie quotidienne, avec lequel il aimait jouer, notamment un jeu qu’il affectionnait particulièrement : influencer !
Influencer son patient en s’amusant avec lui, dans un amusement partagé, ce n’est pas toujours facile, loin de là ; c’est même parfois impossible. C’est ce qu’essayait aussi de faire un autre de nos grands disparus, celui-ci très récemment 4 : Franck Farrelly 5.
J’ai eu la chance – parce que j’en avais eu le courage 6 ! – d’avoir un entretien avec Franck Farrelly il y a une dizaine d’années. Franck, l’avocat du diable comme il se plaisait à se présenter, tel l’advocatus diaboli des procès en en canonisation dans l’Eglise catholique, le théologien chargé d’argumenter contre la canonisation d’un candidat.
S’amuser a donc à voir avec le diable ? Attendons la suite. La thématique principale de l’entretien avait été résumée par FF par l’affirmation péremptoire : « La vie est humide, Thierry ». Un nonsense comme les aiment les anglophones. En tout cas en apparence, car alors que je prépare l’atelier que je vais coanimer au prochain Forum de Strasbourg sur les colopathies fonctionnelles, je ne peux m’empêcher de repenser à lui, à son regard pétillant, son sourire malicieux et sa bonhommie.
Etonnantes ces relations entre la thérapie, l’amusement et le diable … Franck était d’origine irlandaise et revendiquait celle-ci en tirant sur ses habituelles bretelles. Et, en plein entretien, se mettait volontiers à s’adresser à Dieu. Généralement pour lui adresser des remontrances sur Son inaction face à la douleur et la misère de tel ou tel. Avocat du diable mais aussi en quelque sorte supporter, stimulateur d’un Dieu qui serait un peu paresseux. Comme si le premier avait besoin du second. Comme si le Diable s’ennuyait sans Dieu, ou avouait –mais jusqu’où va le sérieux et ou l’amusement commencent’ il ? – son impuissance !
Les praticiens de l’hypnose, quelles que soient leurs croyances, sont familiers avec les polarités héritées du magnétisme et que l’on retrouve aussi dans la pensée orientale. Dieu/ le Diable, le sérieux/l’amusement, etc. Car ils sont familiers de l’idée que l’opposition des contraires est faite pour être travaillée afin de donner lieu à de nouvelles représentations créatives plus riches de possibilités.
Mais, quand même, avant de nous arrêter, rappelons-nous aussi – rarement je n’ai autant parlé de disparus alors que je suis censé traiter de l’amusement- du regretté Steve de Shazer, le génie du solutionnisme. A la fin des premières journées de ses séminaires (qui en comptaient généralement plusieurs), Steve avait l’habitude de donner le conseil suivant pour la soirée qui suivait : « Do not have too much fun ! ». Ne vous amusez pas trop ! Conseil étonnant qui suggérait quelque chose tout en lui mettant des limites.
Limites que j’ai pour ma part atteinte. Bonne lecture !
Notes
1. Roxanna Erickson-Klein, communication personnelle.
2. Nous nous sommes amusés à imiter les fréquentes formules usitées dans la langue anglaise, dont on peut apprécier l’efficacité suggestive.
3. Dominique Megglé, Douze conférences sur l’hypnose, la thérapie brève et les sangliers, SATAS, Bruxelles, 2011.
4. En février dernier. Voir page 28 le texte hommage de Joël de Martino.
5. Franck Farrelly a écrit un seul livre, Provocative Thérapy (traduit en français sous le titre : Thérapie provocatrice, SATAS.
6. Courage est bien sûr un bien grand mot. On aura compris que cet édito est un peu, très modestement, provocatif !

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Hypnose & Thérapies Brèves : la Revue N° 29 Mai Juin Juillet 2013

POUR UN CHANGEMENT DE TYPE 3
Stéphanie GUILLOU et Dr Franck GARDEN-BRÈCHE

Rencontre de troisième type avec une infirmière en hématooncologie et un algologue urgentiste qui proposent, à partir d’une pratique laissant l’esprit rationnel de côté, une conception nouvelle du changement thérapeutique se situant dans la continuité des travaux de Gregory Bateson menés avec Paul Waztlawick, et basée sur un accueil total de l’émotion naissant de la rencontre.


QUITTER LA CONTRAINTE POUR RETROUVER SES OBLIGATIONS !
Cynthia DRICI

Certaines demandes de thérapies résultent assez fréquemment d’un sentiment de contrainte qui empêche de vivre. Dans une perspective phénoménologique, l’hypnose est là, disponible, pour aider au dégagement qui permettra au patient de pouvoir de nouveau accéder à ses valeurs. Exploration d’un paradoxe qui n’est qu’apparent. Lorsqu’un individu décide de consulter un spécialiste de l’accompagnement thérapeutique, il décrit bien souvent, lors la première rencontre, une situation dans laquelle il se sent bloqué, figé.



POUR JOUER AVEC LES LIMITES INVERSER LE SENS.
J. de MARTINO


Variation sur le « Non !... J’déconne… » utilisé par de nombreux adolescents, le texte de l’intervention de Joël de Martino très remarquée lors des Transversales de Vaison la Romaine en 2008 est publiée en hommage à Franck Farrelly. DÉFINITIONS Déconner (v. intr.) : dire des bêtises, des inepties, ne pas être sérieux (argot) ; exagérer, divaguer, déraisonner ; plaisanter, s’amuser, faire des bêtises, se laisser aller. Etymologie (1883) : de dé-, con-, et suffixe verbal. Le sens initial érotique est vieux ou très rare ; le passage de ce sens (à celui-ci) n’est pas clair (métaphore de « sortir du vagin » ou croisement avec le sens familier : de con : « imbécile ») (Grand Robert). A noter cependant qu’on ne dit pas : « Non ! J’dévagine ! »


EN VIE JUSQU’À LA FIN, ACCOMPAGNER L’HUMAIN
Véronique LESAGE, psychologue, pratique une hypnose issue des thérapies humanistes.

Elle nous raconte le chemin fait avec Catherine, malade d’un cancer colique. Un accompagnement utilisant l’hypnose afin de répondre au mieux à l’objectif demandé par la patiente : préserver son humanité. La pratique de l’hypnothérapie s’inscrit dans un relationnel, un accompagnement singulier entre un professionnel et son patient. Je vous propose une illustration de cette dimension à travers l’histoire de Catherine D., atteinte d’un cancer. Elle est maintenant décédée, et ce témoignage est aussi une forme d’hommage qui lui est rendu. Je rencontre Catherine pour la première fois à l’automne 2008. Elle m’est envoyée pour de l’hypnose par une collègue psychologue qui chante avec elle dans la même chorale.


INTERACTIONS THÉRAPEUTIQUES ÉCLAIRAGES DÉVELOPPEMENTAUX
I. CAPPONI ; A. RAMBAUD ; J.P. COURTIAL

Dans la continuité de la réflexion systémique, la compréhension de ce qui se passe en hypnose et lors de certaines approches psychothérapiques peut s’enrichir de nombreux travaux en psychologie de l’enfant. Des recherches qui le plus souvent préexistaient à celles du groupe de Palo Alto. L’hypnose met en jeu des interactions entre thérapeutes et patients qui vont bien au-delà de la notion psychanalytique de transfert. Il en va de même pour les thérapies dites énergétiques que nous désignerons dans la suite du texte par thérapies interactionnistes. L’hypnose et les thérapies dites énergétiques mettent en jeu des objets médiateurs, concrets ou abstraits (pendule, fétiche, aiguilles, prière, etc.), que nous appellerons, à la suite de la sociologie de la traduction, acteurs réseaux, dans la mesure où ils interviennent à partir de ce à quoi ils sont associés.


Robert Montaudouin
Bernadette Audrain-Servillat

Originaire de Chartres, Robert Montaudouin a dessiné très tôt. Dans les années 70, poussé par un prof d’anglais il a durant quatre années étudié à l’Ecole des Arts Appliqués et des Métiers d’Art de Paris où il obtient un diplôme en art mural. Il continue son cursus à l’Ecole des Beaux Arts de Paris (atelier de peinture de Gustave Singier). Paris lui plaît peu. Il y travaille cependant quelques temps dans un petit atelier avant de se tourner vers le travail de la terre. Il fait un stage de potier à Besançon et s’installe comme céramiste dans la Loire en 1981. Certaines de ses oeuvres sont acquises par le musée national de la céramique de Sèvres et par le musée de Grenoble. Il pratiquera cette activité durant une quinzaine d’années. Et puis soudain, « le corps ne veut plus faire »…



HYPNO-PHILO
Procrastination(s). Dr Thierry SERVILLAT

Professeur de philosophie à Stanford, John Perry, procrastinateur lui-même (si nous le croyons) a écrit, sur un mode humoristique, un manuel qui pourra aider bon nombre de nos patients, et aussi pas mal de thérapeutes. Sur un problème souvent qualifié de « stupide », car semblant tout à fait irrationnel (nous dirons acrasique1 pour faire « branché philo grecque »), l’auteur va écrire un livre brillant, grand succès de librairie témoignant, si besoin était, de la difficulté de nos contemporains à gérer leur temps. Car il s’agit bien – je reconnais moi aussi avoir procrastiné pour avoir attendu la 16ème ligne pour le définir, de remettre à plus tard une tâche considérée comme importante. Le livre commence par un témoignage, récit d’une révélation telle celle de Saint Paul sur le chemin de Damas : l’auteur prend conscience, il y presque 20 ans, qu’il est un « procrastinateur structuré », c’està- dire « un individu capable d’accomplir beaucoup de choses tout en négligeant d’en accomplir d’autres ».


QUIPROQUO, MALENTENDU ET INCOMMUNICABILITÉ
« Trop bien ! » Dr Stefano COLOMBO

Deux mots qui sont déjà trop pour moi. J’avais déjà de la peine avec le bien et le mal, mais là ç’en est trop. Regardons de plus près et commençons par la deuxième partie, le bien. Je peux dire que j’ai du mal avec le bien alors que la langue française a du mal à me laisser dire que j’ai du bien avec le mal. C’est comme si je pouvais faire le bien un peu plus mal mais pas le mal un peu plus bien ou, si vous voulez, c’est comme si je pouvais faire le bien un peu moins bien mais pas le mal un peu moins mal. Vous conviendrez que nous ne pouvons pas dire mieux. Quand, en plus, vous apprenez que le mieux est l’ennemi du bien vous ne savez plus comment vous situer par rapport au mal. Si le mieux est l’ennemi du bien, puisje dire que le pire est l’ami du mal ?


CONGRÈS ET CONFÉRENCES
Tentatives, solutions, logiques.
Christine GUILLOUX

Compte rendu de Christine GUILLOUX Hors contexte, les mots et les gestes n’ont pas de signification. Gregory BATESON Ordonner le monde ou le désordonner ? Décrire les parties jusqu’à l’infiniment petit ou comprendre les relations, les interactions des parties entre elles, avec les autres, le monde, l’univers ? Lier, délier, relier… Deux journées offertes par l’Institut Grégory Bateson, les 13 et 14 octobre 2012, à Paris, sur le traitement des troubles mentaux par l’approche systémique et stratégique. Deux journées, denses et menées tambour battant, à nous fabriquer des foies gras pour préparer nos voyages, nos migrations et nos apprentissages sans cesse renouvelés. Une belle brochette d’intervenants, à nous faire saliver. Pour n’en citer que quelques uns : Betty Alice Erickson, François Jullien, Giorgio Nardone...


HUMEUR
Pour une psycho-allergologie. Dr Christian MARTENS

Les médecins s’appuient sur les sciences physiques et biologiques pour expliquer les symptômes. Elles nous permettent d’en déterminer les causes et les conséquences, d’ex-pliquer, c’est-à-dire littéralement de dé-plier les signes dans une série de cause à effet. Mais par souci d’objectivité, celles-ci se refusent à s’interroger sur leur sens, sur les questions relatives au sens de ces signes, à les comprendre. Car comprendre, c’est de l’intérieur, découvrir le sens.



EDITIONS MÉTAWALK
45, avenue Franklin Roosevelt, 77210 Avon
Rédacteur en chef : Dr Thierry Servillat
Secrétaire de rédaction : Pascal Leygoute
Conception graphique : Alessandra Scarpa assistée de Eva Evolceanu
Comité de rédaction : Bernadette Audrain-Servillat, Danielle Blanc, François René Chardon, Dr Jean-Claude Espinosa, Etienne Lajous, Dr Dominique Megglé, Joëlle Mignot.
Comité de lecture : Bernadette Audrain-Servillat, Pierre-Henri Garnier, François René Chardon, Dr Stefano Colombo, Dr Jean-Claude Espinosa, Etienne Lajous, Dr Dominique Megglé, Thierry Melchior, Cherif Si Ahmed dit Muhuc (dessinateur), Joëlle Mignot, Dr Chantal Wood, Dr Philip Zindel.
Correspondants : Dr Eric Bonvin (Suisse),
Gisela Dreyer (Allemagne), Christine Guilloux
(E-U), Teresa Robles (Amérique du Sud).
Couverture : Robert Montaudouin, Sans titre.
Commission paritaire : 0616K88078
ISSN : 1951-2376
ISBN : 978-2-911610-11-0
Code éditeur : 978-2-911610
Dépôt légal à parution


- Hypnothérapeute à Paris 11. - Formateur en EMDR - IMO et Hypnose. - Dirige le CHTIP Collège… En savoir plus sur cet auteur


Rédigé le 04/08/2017 à 11:11 | Lu 1014 fois modifié le 23/07/2018


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