Emergence du lien en thérapie. Karine FICINI pour la Revue Hypnose & Thérapies Brèves n°66


UNE HISTOIRE DE « REMISE EN VIE ».


Permettre la « remise en vie » du lien humain avec les outils TLMR (1) et thérapies narratives, c’est tout le travail de l’auteure pour accompagner ses patients vers plus de « légèreté ».

J’exerce actuellement en tant que psychothérapeute et sexothérapeute. Mon métier de sage-femme a été pour moi le préambule qui m’a permis d’accoucher de mon métier de psychothérapeute et, en parallèle, dans un même mouvement, il m’a permis d’évoluer en accoucheuse d’âme vivante et de me vivre comme passeuse de vie. Les thérapies du lien me permettent d’accompagner les patients et de les conduire vers une RE-naissance. J’ai choisi à travers cet écrit de vous témoigner de ce que je peux vivre à travers mon métier, mon travail de thérapeute du lien. En écrivant ces mots je me demande d’ailleurs si le mot travail n’est pas trop réducteur et j’en suis sûre maintenant qu’il l’est, car bien plus qu’un travail, il est avant tout une passion, une partie de ma vie. Je pourrais même dire qu’en retour de cette pratique de thérapeute du lien, ces expériences thérapeutiques me rendent encore plus vivante. Il s’agit donc ici d’échanger sur les thérapies du lien : TLMR et thérapies narratives.

LA REMISE EN VIE DE LA RELATION

Au fil du temps et des expériences au sein de mon cabinet, tout en m’appuyant sur mes pairs (souvent virtuellement présents, invités au sein des séances de psychothérapie) et sur les thérapies du lien, il est devenu primordial pour ma pratique de mettre au centre de mon activité la « remise en vie » du lien relationnel, ou plus simplement avec douceur et patience, de permettre au patient lorsqu’il est prêt de vivre une expérience du lien humain. Lorsque je parle de « remise en vie » du lien humain, il s’agit là de la remise en vie du lien avec l’autre, ce lien qui a été dans la plupart des cas malmené dans l’histoire du patient et pour d’autres quasiment inexistant. Se réconcilier avec la relation à l’autre à travers le lien thérapeutique en devenir, qui va se tisser maille après maille au fil des séances. Et c’est en cela que nous pouvons en effet dire que thérapeute du lien est un véritable métier « à tisser » du lien humain. Retisser la relation à l’autre qui va permettre l’émergence d’une nouvelle relation à soi, différente, dans la confiance et la sécurité qui va permettre une relation au monde là encore différente, plus apaisée. Car il s’agit bien de cela, dans la dissociation que peuvent vivre parfois nos patients, de faire émerger ces sensations corporelles de « remise » en relation avec un autre être humain qui présentement se trouve être le thérapeute.

Qu’importe la façon d’y aboutir, qu’importe l’appui sur telle ou telle manière de faire (TLMR ou thérapie narrative), ce ne sont « que » des moyens de transport, des véhicules permettant de transporter notre intention d’accordage avec le patient. L’intérêt est d’aboutir tranquillement, pas à pas, à une rencontre humaine. Il ne s’agit pas de fixer des objectifs mais d’objectiver une rencontre ; de parcourir ensemble, le temps d’une consultation, puis d’autres peut-être, un bout de chemin où l’on ne se sent plus tout seul, où nous nous sentons ensemble, dans un tout relationnel. Ce n’est plus le « Mon », le « Ton », mais bien le « Nôtre », cet espace délicieux comme pourrait le mettre en forme le célèbre pâtissier Lenôtre. Cet assemblage de lettres : deux singuliers, le Mon et le Ton, qui s’allient pour devenir un tout, le Nôtre, pour aboutir à un accomplissement accordé, ou devrais-je dire à un accouchement de : Lenôtre. Cela, vous me l’accorderez j’espère, ne peut être que délicieusement bon ! Et comme une savoureuse pâtisserie, le Nôtre se vit, se ressent dans notre corps, au plus profond de nos entrailles comme un sang nouveau se met à recirculer : une vie en lien avec l’Autre.

RENCONTRE AVEC CET AUTRE SI DIFFÉRENT

De mon vécu, à travers ces expériences de soin, il s’agit à chaque fois d’une rencontre tout simplement humaine qui nous permet, ensemble, de savourer des minutes partagées ensemble, minutes uniques puisqu’à chaque entretien il s’agit bien d’aller rejoindre l’autre, unique, et de rentrer dans une rencontre de cet autre si différent mais si semblable dans son désir tout simple d’être accepté tel qu’il est, sans porter de jugement, mais juste retrouver cet ajustement infime d’un accordage subtil créant un accord comme une corde d’un violon et celle d’un autre se mettraient à revibrer ensemble réanimées par le mouvement de la vie. D’une séance à l’autre, je prête particulièrement attention et observe comment le patient aura commencé à avancer dans sa vie, quelle action aura-t-il mis en place ? Car la remise en vie passe par le faire, en posant des actions concrètes après être passé par le désir de... C’est l’action qui porte l’intention et le processus de vie ne se terminera que lorsqu’un tiers pourra percevoir cette intention à travers l’action mise en place par la sujet.

Pour conclure, c’est la reco-Naissance de cette intention par le tiers qui va permettre à la personne qui a réalisé l’action, en retour, de se connecter complètement à l’autre et donc de se sentir vivant en lien.

LE CAS DE DANIEL

J’ai choisi d’illustrer mes propos par une expérience avec un patient, Daniel, 58 ans, venu consulter pour « faire le point » sur sa vie et peut-être se sentir un peu mieux et différent dans l’avenir et plus particulièrement dans sa vie affective. Daniel est d’origine réunionnaise, il témoigne d’une vie complexe ; tout à commencé il y a fort longtemps : orphelin de ses deux parents à l’âge de 4 ans, il a sept frères et soeurs. Daniel sera élevé par une de ses grandes soeurs qui, majeure, va assurer « le maintien » en vie, la survie de cette grande fratrie. Daniel deviendra père de quatre enfants avec comme épouse une femme bipolaire (dont le diagnostic ne se fera que très tardivement, lorsqu’il sera déjà en métropole) avec qui la vie maritale deviendra très com - pliquée rapidement. Après de nombreux efforts et déboires, ce père de famille fera le choix de quitter l’île de La Réunion en y « abandonnant » (selon ses propres dires) ses quatre enfants à une mère profondément en difficulté et n’ayant aucun suivi psychologique. Cela est un grand regret douloureux pour Daniel. Il arrive en métropole, se remet en couple avec une nouvelle compagne avec qui il a deux enfants, des jumelles : trois mois après la naissance de leurs jumelles, cette femme, elle aussi Réunionnaise, l’« abandonne » (toujours selon ses dires) pour retourner à l’île de La Réunion : il rentre un soir et l’appartement est vide... Daniel dit que les relations avec ses six enfants sont désormais « apaisées » : il leur a demandé pardon et ils ont pardonné à ce père dont ils ont été séparés, soit qui les a abandonnés ou soit qui lui ont été enlevés. Il dit entretenir de bonnes relations actuellement avec chacun d’entre eux, que ce soit à l’île de La Réunion pour certains et en métropole pour d’autres.
Daniel dit avoir un bon ange gardien qui l’accompagne dans sa vie d’homme et qui a permis ces réconciliations familiales. Par ailleurs, Daniel est actuellement dans une relation de couple qui est sur le point de se terminer. Cette relation où il dit ne pas se sentir bien, étant régulièrement en conflit avec sa partenaire qui cherche « bataille ». Il est d’ailleurs à la recherche d’un appartement pour se retrouver au calme avec lui-même. Cette démarche de psychothérapie s’intègre pour lui dans ce désir de se retrouver et faire le point sur sa vie avec un souhait de trouver un équilibre dans ses relations affectives futures. La première séance permet de prendre connaissance de tout ce déroulement de la vie de Daniel et je lui propose, dans la deuxième partie de notre premier rendez- vous, d’expérimenter une séance d’autohypnose avec un vécu…

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KARINE FICINI

Sexothérapeute, psychothérapeute, sage-femme en cabinet libéral à La Roche-sur-Yon. Formée en sexologie, diplômée d’un DIU à l’université de Nantes ainsi que d’un diplôme national de sexologie. Formée en hypnose, HTSMA (TLMR) et en thérapie narrative à l’Institut Mimethys de Nantes.

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N°66 : Aout / Septembre / Octobre 2022

Dans ce n°66, nous verrons comment aider les personnes qui nous consultent à sortir des effets des histoires dissociatives dans lesquels elles sont enfermées. Le questionnement développé dans les thérapies brèves est une aide essentielle pour rendre possible l’activation des processus de réassociation.

Edito:
. Julien Betbèze : Approche stratégique et acceptation de la solitude
. Alain Vallée développe un exemple clinique nous montrant comment la conversation d’engagement ouvre de nouvelles possibilités d’agir chez un sujet présentant un diabète de type 2 et qui ne parvenait pas jusque-là, malgré les risques somatiques, à modifier sa relation à l’alimentation.

Spécialiste mondialement connu de l’approche stratégique, Giorgio Nardone explique l’importance de différencier trois manifestations différentes de la solitude. Il enseigne comment apprendre à être avec les autres, et le chemin vers l’acceptation de la solitude, acceptation nécessaire pour faire vivre une relation.

Véronique Cohier-Rahban poursuit sa réflexion sur la prise en charge des enfants soumis aux effets des violences intergénérationnelles. Elle nous montre comment Armel, enfermé dans le rôle « d’enfant problème », va se libérer de son rôle sacrificiel par le questionnement circulaire et la mise en place de relations de coopération dans la famille.

A travers le cas de Marthe, enfermée dans son monde de détresse et d’inquiétude, Arnaud Zeman décrit comment le thérapeute, en se mettant en lien avec ses ressources relationnelles, accueille ses ressentis corporels et ses affects pour construire un accordage avec un sujet prisonnier de son vécu dissociatif. Cet accordage est le premier pas vers un nouveau positionnement rendant possible le changement.

Le dossier thématique sur le lien thérapeutique se poursuit avec Karine Ficini qui nous fait part de l’histoire de Daniel, orphelin à l’âge de 4 ans, et dont les étapes de vie sont marquées par le pouvoir du monde abandonnique. Avec l’utilisation des mouvements alternatifs et de questions centrées sur la traduction corporelle de la confiance en soi, elle tisse un nouveau lien humain qui génère une nouvelle action signifiante pour le sujet.

Bertrand Hénot utilise le questionnement narratif et solutionniste pour aider Louis à modifier son regard sur les services sociaux et sur lui-même, afin de réinvestir son rôle de père et se mettre en chemin pour retrouver la garde de son fils.

Dans l’espace « Douleur Douceur », Gérard Ostermann nous présente trois articles sur l’apport de l’hypnose en gériatrie.

Sarah Muller, dans son article sur les conversations hypnotiques en psychogériatrie, nous raconte comment Mme D. qui présente un diagnostic de Démence fronto-temporal, intègre l’Ehpad à 92 ans, suite à une chute, et va bénéficier d’un accompagnement complet à la toilette, effectuée au lit.

Véronique Treussier-Ravaud expose le cas clinique de Mme L.F. patiente âgée qui souffre de troubles cognitifs sévères. Une séance d’hypnose pendant sa toilette, avec ancrage musical et techniques apaisantes, a pour bout de la réinstaller dans un état de bien-être.

. Blandine Rossi-Bouchet, orthophoniste, nous explique comment elle utilise l’hypnose dans sa pratique quotidienne auprès des personnes âgées.

Dans la chronique « Bonjour et après », vous trouverez les premières consultations d’Elisabeth qui noie son ennui dans l’alcool. Sophie Cohen utilise le questionnement stratégique et l’hypnose pour aider la patiente à quitter ses tentatives de solution.

Enfin, Nicolas D’Inca nous livre un article passionnant sur le chamanisme et les animaux de pouvoir pour retrouver les liens au monde vivant.

Crédit photo Jean-Michel HERIN


- Hypnothérapeute à Paris 11. - Formateur en EMDR - IMO et Hypnose. - Dirige le CHTIP Collège… En savoir plus sur cet auteur


Rédigé le 12/03/2023 à 17:05 | Lu 953 fois modifié le 12/03/2023


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