Anorexie: du symptôme aux processus. Dr Bruno Dubos


Revue Hypnose & Thérapies brèves n°44


L’anorexie et la boulimie sont un véritable défi pour les thérapeutes. Mais plutôt que de parler d’anorexie ou de boulimie, il convient de prendre en compte qu’il s’agit de patientes, adolescentes ou moins jeunes qui viennent dans nos cabinets de consultation avec ce symptôme.
La réputation de ces problèmes est particulière, renforcée il est vrai par nos expériences en thérapie avec ces patientes.

Les symptômes peuvent être graves, ayant parfois des enjeux vitaux. Ce péril est susceptible de « paralyser » les thérapeutes et de les limiter dans leurs possibilités à mobiliser leurs compétences thérapeutiques. Au mieux, même si la vie n’est pas menacée, le symptôme prend suffisamment de place pour « hypnotiser » le thérapeute en focalisant son attention de façon exclusive.
S’il est admis qu’une grosse moitié des patientes « guérissent » spontanément, la tendance est quand même à la chronicité, induisant un fort potentiel de découragement chez les soignants.

Un des principaux objectifs pour les thérapeutes pourrait donc d’être capable de résister à l’hypnose et au découragement, condition indispensable pour pouvoir rester « thérapeutique ».
Etre thérapeutique avec ces patientes sous-entend la capacité du thérapeute à établir un lien relationnel pertinent, mais aussi à pouvoir élaborer des stratégies susceptibles d’induire des changements durables, garantie contre l’évolution chronique.
J’ai, comme tout un chacun, fait l’expérience d’être hypnotisé et découragé avec ces patientes et leur famille. Il existe pourtant des moyens d’échapper à cette fatalité.

Les histoires des patientes et les histoires des thérapeutes. Lorsqu’une patiente pousse la porte de notre cabinet, seule ou accompagnée de ses parents, elle amène avec elle son symptôme qu’elle donne à voir ou qu’elle décrit et qu’elle explique. Nous savons tous combien ces patientes, sauf circonstances exceptionnelles, sont intelligentes, vives d’esprit, très compétentes sur les connaissances de ces « maladies ».

Notre culture étant imprégnée de causalité linéaire (une cause donne un effet), ces patientes et leurs parents nous livrent très rapidement des causes souvent précises, sur l’origine de leur « maladie ». Il s’agit là d’un premier écueil pour le thérapeute. Cette « définition » du problème est dans la grande majorité des cas une « voie sans issue » si elle est suivie, car elle n’amène aucune solution possible. C’est ce que j’appelle l’histoire des patientes. Elle doit être prise en compte comme telle, mais elle peut difficilement servir de base à notre travail. C’est pourtant toujours celle qui fait référence dans la littérature, faisant dire que toutes les patientes, toutes les anorexies et toutes les boulimies sont différentes. C’est une évidence, il y a autant d’histoires que de patientes.

Mégane, 16 ans, me consulte seule pour une anorexie restrictive évoluant depuis un an. Elle m’explique que son problème fait suite au décès de sa grand-mère maternelle, deux mois avant son entrée dans l’anorexie. Elle m’explique que sa mère est très anxieuse depuis longtemps et que, du coup, les conflits autour de la nourriture sont fréquents, surtout avec son père qui ne la comprend pas.

Pour pouvoir être thérapeutique, le soignant se doit d’élaborer des hypothèses sur le problème qui lui est soumis. C’est ce que nous pouvons définir comme étant l’histoire du thérapeute. Il s’agit de la re-définition du problème qui lui est présenté. Ces hypothèses peuvent lui servir de guide pour ses actions thérapeutiques, là ou il pourra mobiliser sa créativité.

Concernant Mégane, je vois une jeune fille qui, malgré sa silhouette fluette, fait plus vieille que son âge : 18-19 ans. Je lui demande de me montrer sur son téléphone une photo d’elle avant son « freinage ». Je vois une belle jeune femme de 20 ans !

Je convoque les parents. Ils viennent avec leur fille. D’emblée, Mégane s’installe dans le canapé à côté de son père avec manifestement une grande connivence. Cela ne cadre pas avec un père en conflit avec sa fille. Sa mère reste un peu « à l’écart » sur un autre fauteuil.
Je peux faire une autre histoire du problème de Mégane : cette jeune fille au développement précoce s’est retrouvée à la fois confrontée à un statut de jeune femme difficile à assumer, dans un contexte de difficultés parentales, avec un père peut-être en difficulté pour « lâcher » sa fille...

Dans mon expérience, ces histoires de thérapeutes ne sont pas si nombreuses. Elles échappent à la causalité linéaire pour rentrer dans la causalité circulaire – plusieurs causes donnent plusieurs effets –, elles prennent en compte la complexité des patientes et de leur contexte, sans être pour autant compliquées pour le soignant.

Comment pouvons-nous construire ces histoires de thérapeutes ? Notre expérience d’hypnothérapeute est très utile. En effet, notre formation nous permet de développer certaines compétences pour cet objectif. L’observation de l’état des patientes et la détermination du processus dans lequel elles sont installées sont pertinentes pour construire les histoires thérapeutiques.



Des étoiles pour nous guider. Sophie Cohen
Chères lectrices et chers lecteurs, Comme vous le savez certainement, le monde de l’hypnose vient de perdre l’une de ses grandes figures en la personne de François Roustang. Il a été l’un des grands « penseurs » de l’hypnose. Il a en particulier cherché à définir et comprendre ce qui se déroulait dans une rencontre et lors d’une séance. Nous lirons l’hommage de Jean-Marc Benhaiem, son ami et disciple.

Se réinventer grâce à l’hypnose. Nicole Prieur
Une nécessité pour notre XXIe siècle. Notre siècle génère de nouvelles souffrances liées aux progrès mêmes qu’il a mis en œuvre. L’accélération de notre époque impose un rapport au temps très paradoxal, nous n’avons jamais eu autant de temps à notre disposition (davantage de temps de loisirs, plus grande espérance de vie) et pourtant nous en manquons sans cesse au regard de toutes les tâches à faire en un temps donné. 

Les suggestions directes. Dr Dominique Megglé
Qu’en pense le Docteur Erickson ? Dominique Megglé a fait un vrai travail de recherches dans tous les livres et articles d’Erickson. Il développe sa pensée qu’il avait déjà en partie évoquée dans le numéro 30 de notre Revue. Des échanges avec des spécialistes ont invité Dominique Megglé à réaliser davantage de recherches. 

Anorexie/boulimie : véritable enjeu de santé publique. Dr Bruno Dubos
Les données de l’Inserm s’accordent sur deux constats : 0,5 % des jeunes filles dans leur dix-huitième année, et seulement 0,03 % des garçons, présentent des symptômes évocateurs d’anorexie. Le deuxième aspect est que ces troubles évoluent vers la chronicité. Ces problèmes représentent un véritable défi pour les thérapeutes et donc pour les hypnothérapeutes que nous sommes. Lorsqu’il m’a été confié la responsabilité de diriger ce numéro thématique sur l’anorexie et la boulimie, le titre m’est venu spontanément : « Un nouveau regard ».

Anorexie : du symptôme aux processus. Dr Bruno Dubos
L’anorexie et la boulimie sont un véritable défi pour les thérapeutes. Mais plutôt que de parler d’anorexie ou de boulimie, il convient de prendre en compte qu’il s’agit de patientes, adolescentes ou moins jeunes qui viennent dans nos cabinets de consultation avec ce symptôme. La réputation de ces problèmes est particulière, renforcée il est vrai par nos expériences en thérapie avec ces patientes.

La réassociation dans les troubles alimentaires. Sophie Cohen
Le thème de la réassociation est souvent peu traité. On parle et on écrit en effet volontiers de la dissociation en hypnose. La dissociation est utile dans nombre de situations où, par exemple, des soins génèrent de la douleur. Ainsi l’on enseigne le savoir-accompagner le patient dans un état dissociatif. Dans un ensemble de pathologies, savoir si une personne est dissociée ou associée n’est pas pris en compte. Alors que la dissociation spontanée peut représenter une protection naturelle dans les premiers temps d’une situation, elle devient pathologique si elle s’inscrit comme une façon d’être dans la durée.

Thérapie du couple parental. Dr Patrice CHARBONNEL
L’anorexie mentale est une pathologie essentiellement féminine qui se révèle le plus souvent juste après la puberté. Ce trouble des conduites alimentaires associe des symptômes de comportements nutritionnels (privation alimentaire stricte et volontaire pendant plusieurs mois ou années, éviction de certains aliments, phases boulimiques) et somatiques (aménorrhée, arrêt de la croissance chez l’adolescente) à des symptômes psychologiques (perception déformée de son corps et en particulier de sa maigreur, peur de grossir, besoin de contrôle sur le corps, obsessions alimentaires, hyperactivité, surinvestissement intellectuel, régression en âge émotionnel).

« Au fait, j’y pense, j’ai oublié d’vous dire… » Dr Stefano Colombo
Frédéric venait de poser son téléphone. Après d’innombrables hésitations, il avait pris la décision de consulter un thérapeute. Cela faisait un bon moment que son épouse insistait pour qu’« il voit quelqu’un ». « Ça te fera du bien, précisait-elle, on ne peut pas continuer ainsi. » Il en avait conscience. Il partageait l’avis de sa femme tout en se questionnant sur l’efficacité d’une telle démarche.

Des étoiles pour guide. Sophie Cohen
Des étoiles... des stars... en anglais... des personnes... des personnes de passage avec une présence merveilleuse... comme ça, une chaleur offerte à ce moment-là...
Au bon moment... Des personnes comme de petites ou de grandes étoiles... Etoiles qui clignotent dans le ciel dont la lumière éclaire les larmes de joie qui ruissellent sur nos visages... Qui n’a pas pleuré sous un ciel étoilé ? Qui ne s’est pas ému devant la fragilité de nos vies ?

Les champs du possible. Dr Adrian Chaboche
Chers lecteurs, continuons de nous interroger sur la façon dont l’hypnose amène à réinstaller un mouvement dans la vie du patient. Et enrichissons-nous de prolonger la réflexion : n’appartient-il pas déjà au thérapeute d’être dans son mouvement et s’autoriser à ne plus savoir pour entrer dans la créativité thérapeutique ? Autant que deux danseurs, le thérapeute serait alors celui qui ouvre le premier pas à l’aide d’une suggestion, autant que d’une main il invite son partenaire à s’avancer.

Pédagogie Kaddouch. Dr Dina Roberts
Ce « pas de côté » vers la pédagogie musicale est né de ma rencontre avec Julien Laroche lors d’une conférence sur le thème « Jouer ensemble », organisée par des danseurs. J’ai été immédiatement tentée de l’inviter ici quand je l’ai entendu se définir comme « chercheur indiscipliné » plutôt qu’interdisciplinaire. Sa démarche même est faite de pas de côté : il part du phénomène qu’il étudie et convoque les disciplines qui permettent de l’éclairer. Ses études sur les interactions sociales l’ont amené à travailler sur l’improvisation musicale dans la méthode Kaddouch.

Entretien avec le Docteur Jeffrey Zeig. Dr Gérard Fitoussi
Bonjour Docteur Zeig, vous avez une énorme influence dans le champ de l’hypnose ericksonienne, pouvez-vous nous donner des précisions sur votre cheminement personnel ? Jeffrey Zeig : J’ai commencé à étudier l’hypnose à l’université de San Francisco au moment de mon master de psychologie clinique. Un des psychiatres présents, qui était mon superviseur, m’a fait connaître l’hypnose et m’a indiqué qu’une des meilleures façons de la découvrir était de l’expérimenter moi-même.

Livres en bouche. Dr Grégory Lambrette
Compte-rendu. Voilà qu’à l’occasion de la rentrée littéraire de septembre 2015 est arrivé sur les étagères de nos librairies non pas un, mais deux ouvrages signés de la main de Giorgio Nardone, l’une des figures de proue les plus actives et créatives du modèle stratégique en psychothérapie. On le sait, Nardone cultive depuis plusieurs décennies maintenant un art du changement consistant à trouver des solutions simples aux problèmes insolubles comme il le qualifie lui-même.

Colloque « L’œuvre de François Roustang ». Dr Grégory Tosti
Le 23 novembre 2016, François Roustang s’est éteint à l’âge de 93 ans. Psychanalyste dissident, philosophe, hypnothérapeute, écrivain, cet ancien jésuite a bouleversé la pratique et la compréhension de l’hypnose et a créé en 1996, avec le Dr Jean-Marc Benhaiem, l’Association française pour l’étude de l’hypnose médicale (AFEHM) ; association qui donna le jour au premier Diplôme universitaire d’hypnose médicale en 2001.

Recherches: les applications. Dr Lauriane Bordenave et Dr Adrian Chaboche
La neurochirurgie éveillée est un mythe qu’on agite souvent lorsqu’on parle d’hypnose au bloc opératoire. Sauf qu’il s’agit d’une réalité. La preuve avec cette belle série française. Les glioblastomes de bas grade sont des tumeurs cérébrales malignes infiltrantes, et le défi de la chirurgie est de trouver le meilleur compromis entre l’exérèse la plus complète possible et la préservation des tissus sains adjacents. Pour ce faire, certaines équipes réalisent des craniotomies sur des patients éveillés.

Hommage à François Roustang. Dr Jean-Marc Benhaiem
Je m’exprime au nom de tous les soignants, médecins, psychologues si nombreux à avoir lu, entendu, aimé et intégré l’œuvre de François Roustang dans leur pratique. Je parle aussi, bien entendu, en mon nom propre. François a bien voulu s’associer à mon projet de formation. Nous avons ainsi travaillé ensemble pendant vingt années, côte à côte, dans notre association d’enseignement de l’hypnose médicale et au sein de l’Université Paris VI à la Pitié-Salpêtrière.


Ostéopathe et praticienne en Hypnose Médicale, formée en EMDR - IMO. Exerce à Paris dans ses 2… En savoir plus sur cet auteur


Rédigé le 07/08/2017 à 16:04 | Lu 2130 fois modifié le 23/07/2018


Dans la même rubrique :